dimanche 11 novembre 2007

Le Thalamus sous-estimé !

Le Thalamus : un simple centre de relais ?

Le Thalamus est décrit par nos anciens manuels comme une sorte de simple relais entre les organes sens et le cortex où se passerait tout ce qui est important. Meme dans le glossaire du récent (Campbell, 2004 p. G38) on parle de "Principal centre de relais pour les informations sensitives arrivant au cerveau et pour les informations motrices partant du cerveau. "

Depuis quelques années son rôle apparaît comme beaucoup plus fondamental. On le voit de plus en plus comme un centre de décision rapides et plus comme un simple interface.



Fig 1 : Localisation du thalamus (au centre en bleu) (Source Psychology:An Introduction Eleventh Edition by Charles G. Morris,Albert A. Maisto)
Situé au centre de l'encéphale, il est constitué de plusieurs noyaux groupés par leur fonction.(image ici ) Il fait partie du système limbique. (Bien que cette expression soit contestée, elle reste utilisée faut de mieux (cf illustration dans le Purves 2001))

On se souvient (Bio-review 22aout) que le thalamus avait déjà été présenté (Shadlen 2007) comme un centre toujours actif qui veille et réveille le reste. Mais le Thalamus est sans doute bien plus que cela !



Le thalamus : un centre décisionnel ! Exemple pour la vision

Il y a pas mal d'années John LeDoux (1996) a mis en évidence le rôle du Thalamus dans le traitement des informations : les influx visuels (et auditifs, etc.) passent par le thalamus (ça tous les bouquins le montrent depuis longtemps : et il y est question de simple connection et de superposition des champs visuels binoculaires) , mais il a montré que ces influx y sont analysées une première fois.

On mentionne là souvent une part du thalamus : le corps genouillé latéral est un de ces noyaux impliqué dans la vision.



Fig 2 : Les corps genouillés latéraux font partie du thalamus (source :Thebrain- McGill.ca)

LeDoux a mis en évidence 2 circuits : un circuit rapide analyse l'image et détecte notamment les situations d'urgence et active les réactions émotionnelles (par l'amygdale) avant même que les influx soient parvenus au cerveau.

En parallèle, les influx continuent leur chemin vers le cortex qui analyse beaucoup plus finement et vient nuancer la perception, modifier les émotions via l'amygdale qui contrôle les signes de l'émotion (accélération du pouls, tension artérielle, adrénaline, transpiration etc) .

L'illustration de son site (ledouxlab) montre bien ces 2 circuits : circuit rapide en rose et plus élaboré en bleu puis vert.



Fig 3 : Circuit rapide et circuit complexe (LeDoux, 1994)

Dans son exemple classique, lorsqu'on voit une forme allongée sur le sol, le thalamus interprète comme un serpent et active les réactions corporelles qu sont pour lui l'émotion. Le cortex peu ensuite analyser plus finement et réaliser que ce n'était qu'un tuyau d'arrosage ou une racine et limiter ou moduler l'action de l'amygdale. Ce circuit est illustré fort bien illustré dans une belle illustration intranet (S&V)



Fig 4 : Schéma des 2 circuits de la peur dans l'excellent site lecerveau.mcgill.ca : ce site permet d'aborder les concepts à un niveau simple ou complexe.

La vision dans le thalamus est assez sommaire : elle analyse - très vite - une image dans ses formes générales floues (les basses résolutions ou basses fréquences diront les spécialistes du traitement du signal). Cette image peu détaillée détermine cependant de nombreux comportements.

La peur en ligne directe ?

L'équipe du Pr. Vuilleumier (dans le Pôle de recherche en émotions basé à l'UniGe) a été mentionnée il y a quelques temps dans le journal Campus (la peur en ligne directe article.pdf) pour ses recherches sur ce cheminement :

«Ces données indiquent que le cerveau est doté d'un système visuel parallèle au système classique et capable de le court-circuiter, poursuit Patrik Vuilleumier. Toutefois, si cette hypothèse est vraie, le système alternatif doit utiliser des images de basse résolution, ne comportant qu'un minimum de détails, ce qui permet leur transmission plus rapide.» Ils ont alors séparé une image en 2 composantes : l'une avec seulement les contours, nets, et l'autre plus floue (avec les basses fréquences spatiales merci Fourier) Les images floues véhiculaient la peur bien plus que celles qui sont nettes. ( L'article de Campus va bien sûr plus loin et discute notamment de l'interaction avec l'aire de reconnaissance des visages . Il vaut la lecture... tout en étant très accessible : excellent pour susciter des questions en classe...)
image intranet

Fig 5 : la séparation d'une image en 2 composantes : l'une avec seulement les contours, nets, et l'autre plus floue (avec les basses fréquences spatiale) permet d'analyser laquelle cause la peur.

Visages ambigus

Jouant sur cette dissociation entre les composantes de l'image interprétées par le thalamus et le cortex (Schyns, P. et al. 1999)) dans un article intitulé de manière ironique Dr. Angry and Mr. Smile. ont fait une analyse très fine de la manière dont ces image produisaient des effets chez les gens : ils ont produit des images hybrides : un visage de femme exprimant la colère en basses fréquences (flou) et un visage calme en haute fréquences bien nettes, et l'inverse pour un homme. Vues de loin l'image du haut est plus effrayante et de près c'est l'inverse. essayez de vous éloigner 'dun mètre ou deux de votre écran...




Fig 6 : Deux visages hybrides(Schyns, P. et al. 1999) de près on voit l'image en hautes fréquences et on trouve l'homme de gauche plus en colère de loin on voit les basses fréquences et c'est la femme  droite qui parait plus en colère.

Le sourire énigmatique de la joconde : l'ambiguité serait-elle due au thalamus ?

Un article récent de science et Vie (I. L. (2007)Pourquoi dit-on que la Joconde a un sourire énigmatique?, Science et Vie, Février 2007) rapporte un article de Science (Livingstone, M. S. (2000)) qui discute de ce fameux sourire : ici aussi en séparant l'image en hautes fréquences (précis) et basses fréquences (flou) on a des expressions sensiblement différentes. Dans cet article, elle lie la perception des hautes et basse fréquences à la vision périphérique ou centrale. Je me demande si on ne pourrait pas aussi interpréter ces différences à la lumière de la fonction du thalamus... image intranet

Ainsi le Thalamus visuel est déjà bien plus riche qu'un simple connecteur !


Le thalamus fait tourner les têtes ?

Or il semble participer à de nombreuses autres fonctions : le pulvinar (en latin ce terme signifie l'oreiller) se trouve dans la partie postérieure du thalamus et semble impliqué dans l'intégration générale des informations sensorielles.

Il semble notamment qu'il est très impliqué dans le choix de ce qu'on regarde."Les auteurs concluent que ces neurones participent dans l'attention sélective Cette conclusion provient surtout des trois observations suivantes: (i) ces mêmes neurones déchargent lorsqu'un objet apparaît dans leur champs récepteur, ils sont donc capables de signaler un changement; (ii) leurs réponses changent si ce stimulus est une cible pour un comportement actif; (iii) ces neurones déchargent juste après la réalisation d'une saccade, même dans l'obscurité complète, ce qui serait utile pour un mécanisme attentionnel qui signalerait qu'une recherche attentionnelle ou un déplacement vient d'être accompli. Ces trois observations peuvent donc suggérer que: (i) une cible vient d'être détectée, (ii) elle a été sélectionnée pour un traitement approfondi, (iii) une saccade a été réalisée afin de l'examiner." (source : Michael G.A. 2005)

Ainsi si les jolies femmes font tourner la tête aux hommes et les beaux mecs aux femmes, c'est la faute (en partie) au Pulvinar dans le thalamus..

Le thalamus au centre de la régulation le sommeil / éveil

On se souvient news@Nature (Hopkin, 2007), (Bio-review 22aout) que stimuler le thalamus a pu rendre une personne dans un état de conscience minimale plus réactive et dans un article paru dans le même numéro, Shadlen (2007) y défendait l'idée que le thalamus serait un peu le centre qui reste toujours fonctionnel et réveille le reste : notamment le cortex.



Figure 7 : Une activation du Thalamus endort un chat éveillé. (source : Purves 2001) (B) Electrical stimulation of the thalamus causes an awake cat to fall asleep. Graphs show EEG recordings before and during stimulation.

Selon (Purves 2001) le sommeil / éveil résulte d'une interaction entre le thalamus et le cortex, eux mêmes influencés par des structures plus profondes. "In brief, the control of sleep and wakefulness depends on brainstem and hypothalamic modulation of the thalamus and cortex. It is this thalamocortical loop that generates the EEG signature of mental function along the continuum of deep sleep to high alert." image

On voit bien que ce sacré thalamus est bien plus qu'une prise !

Pour aller plus loin ...
  • Qu'en est-il pour l'audition et les autre sens : comme la vision est-ce que le Thalamus surveille et alerte en cas d'urgence ?
  • Ce thalamus toujours actif pourrait-il expliquer pourquoi les mamans (et certains papas ne soyons pas sexistes) n'entendent pas le bruit des camions sur la route mais se réveillent au moindre toussottement de leur enfant ?
  • Serait-ce la cause de cette faculté à ignorer les bruits habituels d'un maison connue, alors que ces mêmes bruits réveillent les invités ?
... Merci de me signaler toute erreur / complément / mise ne perspective en commentant dans ce blog

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Compléments :

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