mercredi 31 décembre 2008

Voeux de bonheur et prospérité...

Le bonheur de l'argent c'est de le donner !

A l'heure où les voeux de bonheur et de prospérité sont échangés par millions, la question du lien éventuel entre bonheur et argent se pose.
Borrell, Brendan. (2008). dans une news de Nature Money buys happiness apporte quelques éléments de réponse : On savait que l'argent ne fait guère le bonheur : passé une seuil minimal, les gens plus aisés ne sont que très très légèrement plus heureux. On savait aussi que les gens moins aisés donnent un plus grand pourcentage de leur revenu.

Mais que faire de cet argent pour être plus heureux ?
le bonheur de l'argent c'est de le donner
Figure 3 : Le bonheur de l'argent c'est de le donner Source : Nature. Punchstock

Elizabeth Dunn, psychologue à l'University of British Columbia in Vancouver, a étudié le lien entre revenu, donations de bienfaisance et bonheur.
En moyenne sur 632 Américains, ils ont trouvé qu'ils dépensaient 10% du budget allait à des dépenses "prosociales" — des dons de bienfaisance et des cadeaux à des amis .
Dans cette étude et une autre sur la manière de dépenser les Bonus reçus, le revenu n'avait pas de lien avec le bonheur, mais les dépenses prosociales oui

La question restait ouverte de savoir si c'est les gens heureux qui dépensent plus dans le prosocial ou si c'est de dépenser prosocialement qui rend heureux.
Les chercheurs ont alors distribué à 46 étudiants une enveloppe avec $5 ou $20, et leur ont dit à la moité d'entre eux de dépenser l'argent pour eux et à l'autre moitié de le dépenser pour des amis ou des dons prosociaux.. Le soir il est apparu que ceux qui avaient donné leur argent étaient plus heureux que ceux qui l'avaient dépensé pour eux-mêmes. Le montant reçu n'avait pas d'effet sur leur bonheur.

Ce qui est ironique ajoute Dunn, c'est que si on voit l'argent comme un moyen d'obtenir le bonheur, on risque moins de le donner, et on se prive alors de ce bonheur-là ...

Les voeux des BioTremplins pour 2009

A tous mes voeux de bonheur c'est à dire de prospérité ... à partager, de rires et de joies... pour être en meilleure santé et de chaleur des mains... pour voir les autres plus positivement.

;- )

Sources :

  • Borrell, Brendan. (2008). Money buys happiness | Nature News 20 March 2008| doi:10.1038/news.2008.684
  • Dunn, E. W., Aknin, L. B. & Norton, M. I. Science 319, 1687-1688 (2008). | Article |

Voeux de bonheur et de chaleur...

Alors qu'ici en Suisse la neige tombe sur la fin de l'année, que nombreux sont ceux qui ont été skier et se réchauffent les mains avec un chocolat chaud, ou un vin chaud, ...

Le dicton "mains froides, coeur chaud" a-t-il un fond de vérité ?

Une recherche récente suggère plutôt l'inverse... que de se chauffer les doigts avec une tasse chaude ou une chaufferette incite à juger les autres plus favorablement et à agir plus généreusement.

chaleurFigure1 : Se chauffer les mains rend plus chaleureux. Credit: Brigitte Sporrer/Zefa/Corbis

Sur la base d'une news de Sara Coelho dans ScienceNow. Lawrence Williams de l'University of Colorado, Boulder, a demandé à 41 étudiants de venir pour une expérience, et on leur a fait tenir une tasse un moment, puis décrit une "personne A" fictive. Ensuite on leur a demandé d'évaluer cette personne sur 10 critères depersonnalité : ceux qui avaient tenu une tasse chaude étaient beaucoup plus enclins à décrire "A" comme "généreux", "attentionné "ou "sociable" que ceux qui avaient tenu une froide.
Dans une autre expérience 53 personnes ont été recrutées pour une évaluation de produit, et ont tenu une chaufferette chaude ou froide puis on leur a demandé évaluer le produit. A la fin on leur a donné le choix d'une récompense pour eux ou un bon a donner à un ami. 54% de ceux qui ont eu la chaufferette chaude ont choisi le bon-cadeau contre 25% de ceux qui ont eu la froide.
Ainsi la perception de chaleur a un influence claire sur les perceptions et les comportements sociaux. Des publicistes ont déjà envisagé que donner des échantillons chauds pourrait être plus efficace pour donner une image positive du produit...
Tomas Chamorro-Premuzic, un psychologue du comportement des consommateurs à l'University of London's Goldsmiths College, met toutefois en garde : il faut vérifier que cet effet s'applique aussi à des populations différentes et dans différentes circonstances.

Sources :

samedi 20 décembre 2008

Une plie qui venait du froid...

Des protéines antigel ? Pour ceux de nos lecteurs qui sont loin de l'Europe, il a beaucoup neigé cette année ici, et la question du froid et du gel est ... pointue.

Cristaux
Fig 1 : la glace forme facilement des cristaux pointus. (Photo F. Lombard)

Un article de Science et Vie Junior (intranet.jpg) décrit comment on pourrait introduire le gène antigel de la plie chez la tomate.

Susciter des questions ?

Ce texte intéresse facilement et peut faire apparaitre chez les élèves - ceux que le gavage de réponses n'a pas encore lobotomisés du questionnement - un certain nombre de questions.
  • Pourquoi la plie aurait -elle un gène contre le froid ?
  • Comment un gène pourrait empêcher un phénomène obéissant aux lois de la physique, aussi peu vivant que le gel ?
  • Le gène de la plie fonctionnera-t-il dans une plante ?
  • Ne donnerait-il pas un goût de poisson aux tomates ?
  • A quoi ça peut servir ?
  • ...
C'est un bon texte pour susciter les questionnement, mais il ne donne pas les réponses.
L'accès électronique à de nombreuses ressources permet de trouver facilement d'autres textes où trouver (ou faire trouver) les réponses... des réponses de qualité !

Dévulgarisons ?

Une recherche sur PubMed qui recense pratiquement TOUT ce qui est publié en biosciences a porté ses fruits :
Il semble que ce soit suite à cet article que S&V ait fait cet encadré.
Marshall, C. B., Fletcher, G. L., & Davies, P. L. (2004). Hyperactive antifreeze protein in a fish. Nature, 429(6988), 153-153.


On y apprend que ces protéines (AFP : AntiFreeze Proteins) protègent le sang du poisson du gel en se fixant sur les surfaces pyramidales des cristaux empêchant ainsi les aiguilles de glace de se former. (Ce sont ces cristaux qui perforent les membrane et causent les dégâts aux cellules). Cela permet de repousser le gel de 2 °C

Fig 2 : La protéine antigel empêche la production de cristaux de glace en aiguille. b)Dans son sérum on en trouve peu de pointus (Y et Z). La protéine s'y accroche et produit des glaçons plutôt arrondis (X) Source : Marshall, C. B. et al (2004).

" Fish that live in the polar oceans survive at low temperatures by virtue of 'antifreeze' plasma proteins1 in the blood that bind to ice crystals and prevent these from growing. However, the antifreeze proteins isolated so far from the winter flounder (Pleuronectes americanus), a common fish in the Northern Hemisphere, are not sufficiently active to protect it from freezing in icy sea water. Here we describe a previously undiscovered antifreeze protein from this flounder that is extremely active (as effective as those found in insects) and which explains the resistance of this fish to freezing in polar and subpolar waters."

Plus loin l'article explique que la forme de la protéine (principalement constituée de beta-helix) aligne bien la régularité de sa structure chimique avec celle de la surface du glaçon et prévient ainsi la croissance du glaçon ou empêche les pointes de se former. Certains insectes ont des AFP très voire plus efficaces encore. Davies, Peter L et al. (2002). illustrent bien comment la structure de ces protéines est adaptée à la régularité du maillage cristallin de la glace.



Source Davies, Peter L et al. (2002).

Quelle plie ?

La plie mentionnée n'est pas celle que nous connaissons : c'est une espèce spéciale Winter flounder Pseudopleuronectes americanus on la trouve dans les mers polaires cf dans taxonomy bowser de Barcode of Life Data Systems (BOLD) ici (répartition et photos)


Fig 6 : La plie des océans polaires Pseudopleuronectes americanus qui produit cette protéine antigel.

Quelle protéine ?

Cette protéine-là peut être trouvée dans la base de UniProt (ex-SwissProt née à l'UniGe) semble s'appeler HPLC-6
http://www.uniprot.org/uniprot/P04002
-on y trouve la fonction :Antifreeze proteins lower the blood freezing point.
-et la séquence d'acides aminés : la séquence authentique !
Qu'elle soit si facilement accessible peut aider à rendre les sciences en classe plus connectées au monde réel de la biologie actuelle.

        10         20         30         40         50         60 
MALSLFTVGQ LIFLFWTMRI TEASPDPAAK AAPAAAAAPA AAAPDTASDA AAAAALTAAN 
        70         80 
AKAAAELTAA NAAAAAAATA RG 

Rem : Il s'agit du code des acides aminés à une lettre : une conversion du code 1 à 3 lettres est par exemple proposé par l'uni Alberta.| One-to-three | Three-to-one
et un Tableau des Abbrévitaitons acides aminés à une lettre/ 3lettres

(M.à J.) Une autre glycoprotéine antigel est décrite plus à fond dans l'instantané du mois de Prolune :
  • Ice-structuring glycoprotein, Notothenia coriiceps neglecta (Yellowbelly rockcod) : P24856
"Comment fonctionnent de telles protéines antigel ? Elles empêchent les cristaux de glace naissants de grossir. Pour agir, elles bénéficient d’une structure particulière : la succession de trois acides aminés (thréonine-alanine (ou proline)-alanine) répétée un grand nombre de fois. Et sur chaque thréonine se greffe une molécule de sucre, ce qui confère aux protéines une certaine affinité pour les molécules d’eau. Les glycopeptides antigel se sentent irrésistiblement attirées par les molécules d’eau prises dans le cristal de glace balbutiant. Elles se positionnent alors de telle sorte qu’une seule face de la protéine interagisse avec la glace. De ce fait, le cristal recouvert d’antigel ne peut ‘recruter’ des molécules d’eau supplémentaires et sa croissance est interrompue. "

1wfaQuelle forme ?

On peut accéder à la structure 3-d de cette protéine par la base de données de structures PDB : ici
On voit bien la régularité de ce béta-helix et on peut le faire tourner dans l'espace avec le lien Jmol dans la page a droite.

A quoi ça sert de transférer ce gène dans une tomate ?

Pour comprendre comment le vivant s'est adapté, c'est intéressant. Comme expérience mentale pour comprendre et expliquer que ce gène sera lu comme n'importe quel autre gène,de la tomate, et produira la même protéine HPLC-6 mais ne donnera pas une odeur de poisson, c'est intéressant, oui.
Mais à quoi peut servir de transférer ce gène dans une tomate... là franchement je suis perplexe... elle ne peut guère pousser dans des climats où il risque de geler il me semble ?
Peut-être à protéger du gel certaines autres cultures sensibles (fraises ? Abricots ?). Si le consommateur les accepte.
A mieux conserver des produits sanguins ou des organes durant le trajet en vue de leur transplantation, voire du sperme congelé dans des banques.
A mieux comprendre le vivant sans aucun doute !


Nous voilà armés pour affronter - mentalement plus pointus - la neige et la glace de cet hiver ?

Sources :

lundi 8 décembre 2008

Envie de ... gagner le prix Nobel?

D'accord vous ne souhaitez ou n'espérez pas le prix Nobel ...

Quand même c'est un évènement scientifique qui parvient à intéresser les médias, et qui peut aider à motiver indirectement les jeunes pour les sciences... En montrant de grandes choses qui s'y découvrent. En aidant à voir comment la recherche fondamentale a des effets dans la vie quotidienn.
Rappelons que le prix Nobel de médecine 2008 a été attribué à
  • Harald zur Hausen pour la découverte du HPV human papilloma virus contre lequel une campagne de vaccination est en cours dans les écoles
  • Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier pour le virus du SIDA le VIH
Ainsi les recherches -souvent obscures - permettent à la longue des applications comme le vaccin HPV pour protéger chacune des adolescentes, et la connaissance du VIH a ouvert la voie pour des recherches et finalement des traitements qui - faute hélas de guérir- sauvent quand même d'innombrables vies.

Venez discuter ... qu'est ce Prix Nobel en fait ?

Café scientifique, le LUNDI 15 DECEMBRE 2008 à 18h30
Musée d'histoire des sciences
(dans le Parc de la Perle du lac)
Trams 13 et 15, arrêt Butini / Bus 1, arrêt Sécheron, Parking adjacent.

ENTREE LIBRE


ENVIE DE ... GAGNER LE PRIX NOBEL?


Cet automne, comme chaque année depuis 1901, s'est déroulé le rituel le plus célèbre en science : l'attribution du prix Nobel. Les médias relayent alors l'événement, la communauté scientifique congratule, la politique s'en félicite et le grand public s'émerveille devant les heureux gagnants de ces « Jeux olympiques des sciences » qui se voient remettre leur distinction à Stockholm par le roi de Suède le 10 décembre, anniversaire de la mort d'un fameux inventeur de dynamite qui légua sa fortune pour fonder ce prix.


Mais pourquoi, au juste, le Nobel est-il décerné ? Et pourquoi à un chercheur, certes méritant, plutôt qu'à un autre, tout aussi brillant ? Qui, parmi le public, les médias ou même les collègues scientifiques, peut vraiment comprendre, ou expliquer, une recherche « nobélisée » ? Est-ce que le prix Nobel est désintéressé ? Impartial ? International ? Idéologiquement neutre ? Est ce qu'il crée un culte de la personne ? Qu'en est-il des équipes autour de chaque chercheur et de leurs apports indispensables ? Et quid des oubliés, des méprisés, des thèmes boudés ? Des scientifiques femmes ? Des pays émergents ? Des scandales ? Que de questions... que vous pourrez venir poser et débattre avec nous ce soir-là.

Avec notamment la participation de :
Jean-Louis CARPENTIER, Doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Genève et Vice-Président du Conseil de la fondation Louis-Jeantet
Jan LACKI, professeur à l'Université de Genève, historien et philosophe des sciences
Marie-Christine PETIT-PIERRE, journaliste scientifique au « Temps »

Animation :
Alexander WENZEL, physicien et littéraire .
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Plus d'informations sur l'activité de Bancs publics sur notre site http://www.bancspublics.ch

mardi 2 décembre 2008

Les autres se le permettent bien... !

Un environnement dégradé incite à l'incivilité

Dans une nouvelle de la revue Science, Holden (2008) rapporte une recherche qui confirme et précise ce que beaucoup soupçonnaient : dans un environnement sali, couvert de graffitis, ou de voitures mal parquées les gens sont beaucoup plus enclins à commettre des incivilités. On parle d'"effet carreau cassé" Wilson, et al. (2003).

Par une série d'expériences soigneusement conçues, Keizer, K. et al. (2008). de l'Université de Groningen aux Pays-bas ont pu confirmer que lorsque les gens voient une norme sociale transgressées, ils sont beaucoup plus nombreux à en transgresser eux-mêmes une autre.
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Figure 1 : Indices d'incivilité. Les gens sont plus enclins à jeter leurs papiers par terre dans une rue ornée de graffitis que dans une rue propre. Credit: Anthony Cooper/Ecoscene/Corbis

Graffitis et effet papillons par terre...

L'une de leurs expériences, par exemple, étudie l'effet des graffitis sur la civilité. Dans une allée sans poubelle où un écriteau interdisait les graffitis, ils ont attaché des papillons publicitaires aux vélos parqués (on sait combien ils sont répandus là-bas) et ont discrètement observé dans cette allée sans graffiti combien ont jeté ces papiers par terre ou les ont déposés sur un autre vélo plutôt que de les empocher. Un autre jour ils ont répété l'expérience mais avec des graffiti sur les murs.
Dans l'allée sans graffiti, ils ont observé qu'un tiers des 77 cyclistes jetaient leurs papier par terre, contre plus des deux tiers lorsque le mur était orné de graffitis.

Fig 2 : Les papillons sont jetés par terre plus souvent dans un environnement transgressif Source : Keizer, K. et al. (2008)

Moins honnête en présence de détritus ...

Dans une autre expérience, ils ont observé que 13% des passants empochaient un billet de 5€ qui dépassait d'une boîte aux lettres dans un environnement propre contre 23% dans un environnement jonché de déchets.

Fig 3 : le billet de 5€ est volé plus souvent dans un environnement transgressif Source : Keizer, K. et al. (2008)

L'environnement sonore peut aussi influencer le comportement : quatre sur cinq jetaient leur papier lorsque des bruits de pétards (illégaux là-bas) résonnaient dans les environs conter moins de la moitié dans un environnement calme.
D'autres expériences ont porté sur le retour des chariots de supermarché ou les automobilistes franchissant une barrière marquée passage interdit pour rejoindre plus vite leur auto.

Fig 4 : les chariots sont laissés sur place et les interdictions de passer franchies plus souvent dans un environnement transgressif Source : Keizer, K. et al. (2008)

Gestion urbaine soft ou l'exemple des adultes ?

Une étude de l'université de Harvard, par Braga, A. et al. (2008) a montré qu'une prévention situationnelle visant à un maintien "soft" de l'ordre en général dans des quartiers chauds de Lowell au Massachusetts a produit plus d'effet que les services sociaux ou la répression. Si certains parlent de social engineering, les biologistes parleraient volontiers d'éthologie humaine appliquée...

Le désordre dans l'environnement urbain a un effet généralisé dit le psychologue social Robert Cialdini de la State University, Tempe. Et que des effets importants peuvent être obtenus avec des efforts relativement mineurs. Ses recherches montrent qu'on peut influencer le comportement dans le sens souhaité en leur indiquant que les autres le font. En indiquant que la plupart des usagers réutilisent leurs linges dans les hôtels ils font grimper fortement ce taux.

L'ensemble de ces expérience confirme une sorte de calibrage des comportements, une adaptation avec le milieu : l'observation que les autres respectent les règles incite à les respecter soi-même. (Il semble que ce phénomène soit bien connu des psychologues).

On peut le lire dans les deux sens : pour les uns cela justifie une politique de maintien de l'ordre contre les grafitis, pour d'autres cela suggère de mettre l'accent sur une politique de l'exemple par les adultes.
Il serait intéressant de voir si il y a plus de graffitis là où les voitures sont mal parquées, et si de voir une attitude respectueuse des règles par les adultes incite aussi les jeunes à moins d'incivilités...

Sources

jeudi 27 novembre 2008

Haeckel trop simplifié ?

Alors que la contestation de l'évolution n'est plus réservée a l'Amérique traditionaliste et commence a se faire sentir même chez nous, la rigueur scientifique des arguments et documents employés prend une importance particulière. Or un exemple largement employé dans l'enseignement -modifié pour le rendre plus convaincant - offre une prise presque trop facile aux critiques, alors même qu'il est fondamentalement pertinent.

L'ontogénie résume la phylogénie ... Vraiment ?

Nous connaissons tous la planche de Haeckel 1874 souvent présentée pour mettre en évidence la similitude des embryons aux premiers stades. Il parle de stade phylotypique : un stade très similaire par où tous les embryons vertébrés passeraient. Elle a aussi été employée pour illustrer la loi biogénétique ou de récapitulation qu'on a essentiellement abandonnée.
Dans l'enseignement, en général on se limite à y chercher quelques similitudes : en particulier on arrive bien à y mettre en évidence la présence de fentes branchiales chez les mammifère et de queue chez notre embryon.

Fig I : La planche de Haeckel en 1874 (source Gilbert et al 2000)

Or une analyse de Richardson, et al. (1997) montre qu'en fait Haeckel avait passablement arrangé -certains parlent de falsification de - ces images, et dit qu'il l'avoue dans une lettre ultérieure. Cf. Pennisi Elizabeth. (1997) Surtout il conteste l'existence d'un stade phylotypique.
L'excellent ouvrage Gilbert et al. (2000) on-line et gratuitement accessible par un simple accès internet propose une discussion assez complète de la question.: Haeckel and the Vertebrate Archetype


Figure 2 source : "Selected embryos shown at the "phylotypic" stage. " Ce que ces images auraient du être en fait selon Richardson (1977)


Y'a pas photo ?
Figure 3 : Photographs of a fish, amphibian, reptile, mammal, and bird embryo at the "phylotypic" stage. (Photographs courtesy of M. Richardson.) des photos d'embryons de divers vertébrés ou l'on peut voir -c'est plus difficile - les similitudes et les différences.

Sur ces images, on voit tout de même bien les fentes branchiales - et on peut montrer que si nous n'avons pas de branchies notre embryon a bien des ébauches.
A d'autres stades on distingue bien la queue en formation dans l'embryon humain.

Les similitudes et les différences ?
Pour démontrer l'évolution on doit en somme trouver des similitudes suffisamment nombreuses et fondamentales pour confirmer une origine commune et des différences graduées corrélées entre elles pour démontrer une évolution depuis cette origine commune.

Y a-t-il une "vraie" image, alors ?
On retrouve cette image sous de nombreuses formes dans des ouvrages de biologie, relativement récents, on les trouve par exemple :
  • Miram, W., & Scharf, K. H. (1997). Biologe. Ed LEP. intranet.jpg
  • Zihlman, A. (1982). Human Evolution Coloring Book (1st ed.). New York: Barnes & Noble.intranet.jpg
  • Kolb, H. (1968). High School Biology, Green Version. Chicago: Rand Mc Nally.intranet.jpg
Dans ces ouvrages des image équivalentes diversement schématisées contrastent avec la simplicité trop parfaite de celle de Haeckel... ce qui la rend si frappante.

Plus clair, plus "didactique", scolaire mais moins correct ?
Cet exemple montre bien combien la question de la transposition en classe de savoirs authentiques est difficile. Le document de Haeckel est sans doute bien plus facile à exploiter en classe que ceux de Richardson. Il est plus "didactique" diront certains : on y voit bien ce que les élèves doivent voir. C'est déjà si difficile de les intéresser et de leur faire comprendre en quoi cela constitue une preuve d'évolution. Sa persistance dans des ouvrages presque récents et dans de nombreux document encore utilisés dans les écoles est sans doute l'expression de la force de persuasion de cette image. On sait bien que le schéma n'est jamais neutre dans ce qu'il choisit de montrer ou d'estomper qu'il est forcément construit en référence à un modèle explicatif qui détermine ce qui est important

Didactique, oui mais est-ce une fraude ?
"Je ne pense pas qu'en concluant simplement que Haeckel a commis une fraude ou que les enseignants commettent des simplifications outrancières on rende justice de la complexité du problème de la représentation en sciences. Toutes les représentations du type de Haeckel sont l'expression de partis pris théoriques et doivent être comprises comme des tentatives de convaincre une audience particulière. Les représentations de Haeckel ne sont pas davantage des fraudes que celles de Darwin, Mendel, Watson, Crick et tant d'autres, elles font partie du processus normal de production des connaissances scientifiques. Toutefois, je pense qu'attirer l'attention sur le travail de Richardson est intéressant et un bon sujet pour un tremplin."

Bruno J. Strasser est professeur d'histoire des sciences et de la médecine à l'Université de Yale.
Notre ADN apporte des preuves encore plus solides
Dans une vision plus large de la question des preuves de l'évolution, les plus solides peuvent être trouvées dans les séquences d'ADN dit Moore (2008) L'impressionnante similitude au niveau des gènes mais aussi de l'ensemble du génome montre bien l'origine commune et les différences au niveau assez fin entre les gènes ou les protéines (orthologues) équivalentes d'espèces différentes constituent des preuves très fortes de l'évolution. Et les données d'origine et les outils authentiques pour les faire apparaître sont accessibles en classe a l'aide d'une simple connexion internet. Des scénarios d'usage en classe sont proposés dans un cours de formation continue organisé avec l'Université de Genève ici. Notamment l'évolution de l'insuline : scénario n° 5.

L'authentique complexe ou le simple, scolaire ?

Les documents authentiques -qui sont de plus en plus souvent accessibles en classe par internet - sont bien souvent plus complexes à utiliser. Mais le monde n'est guère simple, et tôt ou tard il faudra bien que les élèves deviennent capables de faire face a cette complexité.
Jonassen (2003) dit que
"le péché le plus grave qu'un enseignant puisse commettre est de simplifier la plupart des idées enseignées aux élèves afin de faciliter leur transmission. Une trop grande simplification déconnecte les savoirs de leur contexte, leur ôtant une grande part de leur sens et encourage l'illusion confortable que le monde serait simple et cohérent. " Trad. personnelle
Ne faudrait-il pas plutôt de rendre l'élève progressivement capable d'affronter la complexité de la science.
Et peut-être aussi les aider à devenir des citoyens et des consommateurs responsables ?

Sources :

lundi 17 novembre 2008

Les forêts anciennes absorbent effectivement beaucoup de CO2.

Les forêts anciennes absorbent effectivement beaucoup de CO2.

Fig 1 : réseau FLUXNET, (constitué de tours de mesure des échanges de CO2, vapeur d'eau et d'énergie entre les écosystèmes et l'atmosphère)
Selon Marris, Emma (2008) dans Nature News Old forests capture plenty of carbon, la question de l'absorption par une forêt du CO2, ou de sa neutralité de ce point de vue est débattue et est décisive dans les choix développés pour gérer l'excès de ce gaz à effet de serre. Est-il plus efficace de planter un nouvel arbre ou d'en conserver un ancien ?
Figure 2 : Rajeunir la forêt absorbe plus de CO2 ? (source F.Lombard)

On pensait que seule les forêts jeunes (qui se développent et donc fixent du CO2 dans les nouvelles branches, racines et troncs) réalisaient une absorption nette.En effet nos ouvrages de référence montraient souvent une baisse de la productivité primaire dans la forêt climacique

Figue 3 : un exemple de graphique liant la productivité primaire et la progression le long d'une série vers le climax. (Source www.sciencebitz.com/?page_id=118. )

Une nouvelle étude confirme d'autres qui le suggéraient déjà depuis quelques années : Sebastiaan Luyssaert de l'Université d'Antwerp, en Belgique, dans le cadre de plusieurs réseaux dont FLUXNET, (constitué de tours de mesure des échanges de CO2, vapeur d'eau et d'énergie entre les écosystèmes et l'atmosphère) a montré que les forêts boréales primaires et les forêts tempérées, qui font 15% de toutes les forêts, fixent a peu près 1.3 gigatonnes of de carbone par an +/- une demi gigatonne. Il l'expliquent par l'accroissement des arbres, les nouveaux arbres et la diminution de la respiration dans les arbres anciens.
Ainsi il vaut mieux préserver les forêts, que de les remplacer par des jeunes.

Comment l'information percole-t-elle à travers les étapes de la vulgarisation ?
C'est intéressant de voir quels chemins suit l'information. Elle part des créateurs de connaissance : les chercheurs, qui publient dans des revues très spécialisées puis, quand l'information atteint un niveau de généralité suffisant, dans des revues comme Science ou Nature. Ensuite il y a des journalistes qui vulgarisent, une cascade de simplifications DINOSAURESet souvent de mise en scène sensationnaliste.Cette recherche en est un exemple assez modéré, mais d'autres exemples ont été rassemblés ici

Sources
La publication d'origine dans Nature
La news dans Nature qui résume en une page (parle de 15% de toutes les forêts) La Recherche : 1/3 de page : un interview, une mise en perspective (contexte, méthodes, pertinence des extrapolations, conséquences) La publication d'origine est clairement mentionnée.
  • Dupouey,Jean-Luc. (2008) Les forêts âgées stockent encore du Carbone, La Recherche Intranet.jpg
Science et Vie : un encadre 1/4 de page : quelques faits et deux citation d'un des auteurs, français. Mentionne 30% de la couverture mondiale de forêts. La publication d'origine n'est pas citée ni référencée.
  • P.L. (2008) Les forets anciennes absorbent encore du CO2 Science et Vie Novembre 2008 p. 39 intranet.jpg
Un Blog : Mondedurable mentionne aussi le chiffre de 15%
et la liste continuerait facilement avec les journaux gratuits ...

Et les bio-tremplins aussi ?
...et cette publication continue la liste !Oui, pourtant celle-ci essaye d'être un tremplin, d'inciter chacun à remonter à la source et facilite autant que faire se peut en fournissant les liens...
A chacun de choisir s'il veut en faire un tremplin ou se contenter de la lire...

mercredi 12 novembre 2008

La recherche peut-elle nous aider dans la lutte contre les résistances aux antibiotiques ?

La recherche peut-elle nous aider dans la lutte contre les résistances aux antibiotiques ?

Alors que les mauvaises nouvelles sur le front des maladies infectieuses sont nombreuses... que le colloque Wright affiche ce titre inquiétant "Grandes épidémies le retour ?" j'ai choisi d'explorer un peu la littérature scientifique pour voir si la recherche porte des espoirs et quelques bonnes nouvelles.

Quand les femmes pourront se protéger activement contre le sida
Les technologies de pointe au service des pays défavorisés.
La première bonne nouvelle sort de notre université : une protéine microbicide et bon marché qui pourait donner un gel pour la prévention du sida, chez les femmes du tiers-monde notamment.

A l'UNIGE, l'équipe de Oliver Hartley, aidée par des collaborateurs français et américains, a découvert la nouvelle molécule via une technique innovante intégrée à l'ingénierie des protéines, expressément conçue pour la circonstance. Le nouveau-né des microbicides, désigné sous l'appellation de 5P12-RANTES, «marche tout aussi bien que la précédente chez les macaques sur lesquels nous l'avons testé, mais ne coûtera qu'une petite fraction de son prix», selon Oliver Hartley.
La quête d'un microbicide efficace et pas trop onéreux:
Plusieurs grandes institutions ont déjà tenté la conversion de molécules, utilisées à d'autres fins, en microbicides. Malheureusement, la plupart ont échoué : les produits obtenus n'étaient pas assez puissants ou, pire, ils favorisaient l'infection. Mais, depuis la fin des années 90, les recherches des profs Hartley et Offord se sont démarquées par leur usage des données modernes concernant le mode d'action du virus du sida. Leurs résultats ont permis l'élaboration de molécules d'un tout autre genre, spécifiquement conçues pour fonctionner contre le VIH. Pour rappel, en 2004, ces chercheurs avaient déjà développé une protéine, qui compte parmi les substances anti-sida les plus puissantes actuellement connues : ce fut la première capable de protéger les femelles macaques d'une infection par voie vaginale.
Depuis un certain temps, ces scientifiques du Dpt. de biologie structurale et bioinformatique de l'UNIGE suivaient la piste d'une protéine anti-sida, qui, quelle que fût la complexité des moyens techniques déployés pour la découvrir, devait être aisée à produire.
(Source : Passerellle unige)
Plus d'info
Des antibiotiques nouveaux qui ne tuent pas les bactéries ?
La deuxième bonne nouvelle est une approche complètement différente de la recherche d'antibiotiques : les désorienter plutôt que les tuer.

En effet , les souches résistantes aux antibiotiques sont de plus en plus un problème sérieux dans les hôpitaux MRSA
Alors que la plupart des antibiotiques visent à tuer ou au moins à empêcher les bactéries de se multiplier, une nouvelle stratégie a été développée par Rasko, David A. et al. (2008) : ils inactivent une voie de signalisation (QseC) par laquelle la bactérie détecte qu'elle est dans son hôte et active alors les gènes de virulence. Inhiber cette voie permettrait d'éviter que la bactérie produise ses effets pathogènes, et ne devrait réduire l'apparition de résistances.
Les antibiotiques forts en langue !
Une troisième bonne nouvelle est une approche complètement nouvelle de la recherche d'antibiotique basée sur une analyse avec des outils linguistique qui explorent des règles générales concernant les relations de proximité entre les mots dans d'immenses corpus de texte. Ces outils appliqués à des séquences d'acides aminés d'antibiotiques connus ont permis de prédire les proximités et éloignements d'a.a. qui seraient efficaces : 42 protéines prédites ont été testées et près de la moitié étaient capables de tuer des bactéries (alors que les mêmes acides aminés dans un autre ordre n'avaient quasi aucun effet). L'une d'entre elles tuait même Staphylococcus aureus la bactérie qui fait peur dans les hôpitaux, et l'agent de bio-terrorisme Bacillus anthracis à de faibles concentrations.
On voit là aussi que la biologie est de plus en plus une science de l'information, et que la question de comment aider les élèves a comprendre cette biologie-là aussi est posée.
Les asticots contre les bactéries résistantes ?
Image source : nature
La quatrième nouvelle est bonne, mais pas très ragoûtante : dans une news de Nature Katherine Sanderson rapporte les recherches sur une thérapie surprenante, voire choquante mais très sérieusement étudiée pour guérir des plaies infectées de bactéries résistantes à nos antibiotiques les plus puissants (Methicillin-Resistant Staphylococcus aureus (MRSA)) voir Bio-tremplin du 22 mai 07
La cinquième bonne nouvelle, selon l'adage "les ennemis de mes ennemis sont mes amis" est la recherche d'un ennemi naturel des bactéries pathogènes, on a ainsi exploré les virus bactériophages ou des bactéries prédatrices (Bdellovibrio ) comme antibiotiques Pearson Helen(2006), surtout contre les biofilms qui sont souvent très difficiles à attaquer.

La fréquence des résistances aux antibiotiques : pas seulement une affaire de lutte moisissures - bactéries !

Une sixième nouvelle est qu'on comprend mieux l'origine des résistances dans l'environnement.
Selon des recherches de Gautam Dantas, rapporté dans une news de Science, par Leslie Mitch les résistances aux antibiotiques ne découleraient pas seulement d'une sorte de guerre entre les décomposeurs dans le sol, mais s'inscrivent dans un ensemble de voies biochimiques parfois même "alimentaires" : ces bactéries utilisent les antibiotiques pour leur métabolisme.

Dans la même veine , une review Martínez José L. (2008) des interactions entre les antibiotiques et leur environnement naturel (non-clinique) explore les conséquences de la libération croissante d'antibiotiques dans l'environnement et des modifications de l'environnement sur les résistances qui reviennent dans notre environnement clinique. Les conséquences sur la santé humaine sont difficiles à prévoir et ces chercheurs insistent sur l'importance des recherches visant a améliore cette compréhension.
Photo Credits Science / M. Sommer and G. Dantas; (inset) photos.com


Plus d'infos sur les antibiotiques
  • On le voit : la recherche fondamentale sur les antibiotiques est tout de même très active : qu'on en juge sur la liste de publications sur le sujet rien que dans les news de Nature qui maintient une liste de liens sur la question des antibiotiques ici Keyword - Antibiotics
Des textes en français ?
La recherche fondamentale : un espoir dans le long terme ?
S'il ne faut pas attendre une solution aux maladies infectieuses dans l'immédiat de ces nombreuses pistes de recherche, (on sait qu'il s'écoule souvent 10-20 ans de la première identification de la molécule au traitement cf. p. ex ici ) il est encourageant de savoir que la recherche fondamentale (où le farfelu qui se révélera génial côtoie le farfelu qui le restera) se poursuit, malgré des pressions pour une recherche toujours plus appliquée aux effets a court termes tellement plus faciles à voir.

Pourtant on sait bien que la recherche appliquée d'aujourd'hui s'appuie sur la fondamentale d'il y a dix, vingt ou trente ans.

Si on n'avait pas fait des recherches sur une obscure bactérie des sources chaudes, on n'aurait pas la Taq Polymérase et la PCR (Kary B. Mullis prix Nobel chimie 1993) ,
Si un chercheur (Osamu Shimomura) n'avait pas exploré par curiosité les jolies fluorescences d'une méduse (Aequorea victoria image animée info ici ) on n'aurait pas la GFP et le prix Nobel de chimie de cette année...

Saurons-nous cultiver cet esprit d'exploration chez nos élèves ?

"Sa grande qualité était l'aptitude à goûter l'étrangeté qui marque l'esprit des véritables chercheurs."
MORRIS, Desmond, 1980, La fête Zoologique, Calmann-Lévy

mardi 11 novembre 2008

Colloque Wright, Exposition Les microbes pour le meilleur et pour le pire

Alors que le colloque Wright s'ouvre la semaine prochaine, avec ce titre inquiétant :
"Grandes épidémies le retour ?" .
Pour aborder un aspect de cette question, il est vrai que les résistances aux antibiotiques s'accroissent, que l'industrie pharmaceutique n'investit guère dans cette voie. Pourtant une bonne nouvelle sort de notre université : l'équipe de Oliver Hartley a mis au point une protéine microbicide et bon marché qui est un espoir pour le traitement du sida, chez les femmes et la poursuite des recherches en vue d'un traitement humain est annoncée cette semaine... Pendant ce temps de nombreuses recherches se poursuivent autour de la question des antibiotiques : quelques pistes récentes et notables seront traitées dans une très prochaine publication des Bio-tremplins.

39 nouvelles maladies depuis 1967
Un rapport de l'OMS à Genève s'alarme que 39 nouveaux agents pathogènes, dont le virus du sida, les virus des fièvres hémorragiques d'Ebola et de Marbourg, le SRAS, ont été identifiés depuis 1967.

Un texte en français pour susciter le questionnement :
A ne pas manquer ... en présence ou depuis chez vous en vidéoconférence !
Le colloque Wright 17-21 novembre la semaine prochaine !

(oui, c'est les examens dans beaucoup d'écoles secondaires ici... changez-vous les idées le soir en écoutant une conférence ? )
Tout concourt aujourd'hui au surgissement de nouvelles épidémies à grande échelle. Les violentes modifications imprimées par l'être humain à l'environnement au cours des deux derniers siècles contribuent en effet à créer un contexte favorable au développement de nouveaux agents pathogènes. Des maladies autrefois jugulées pourraient aussi réapparaître, causées par des microbes résistants aux traitements actuels. Les professionnels de la santé publique, conscients de la situation, envisagent plusieurs scénarios et parades, qui intègrent les résultats des recherches fondamentales et épidémiologiques. Recherches dont les acteurs sont convoqués à l'Université de Genève (UNIGE) par les organisateurs du 13e Colloque Wright, pour faire le point, en public et de manière interactive, sur une question qu'il s'agit de ne pas laisser en proie aux spéculations des esprits alarmistes.
L'entrée est libre à toutes ces présentations, qui auront lieu à 18h30, à Uni Dufour.
On peut suivre les conférences a distance par vidéoconférence et voir un résumé vidéo dès le lendemain 10h
Une Expo remarquable et un accompagnement par un spécialiste pour les classes !

Le colloque est accompagné d'une expo au sous-sol de Uni-Dufour par Patrick Linder, Karl Perron et Candice Yvon de l'UNIGE
Pour ceux qui ne pourront pas venir et pour faire envie d'y aller : une remarquable brochure est disponible ici
N.B: les enseignant-e-s peuvent profiter d'une visite commentée par un spécialiste de l'UNIGE, juste avant la conférence du soir. Pour s'inscrire envoyer un email à bioutils-medecine@unige.ch

mercredi 5 novembre 2008

Les bactéries autrefois ennemi n°1 , hier tolérables , aujourd'hui nécessaires ?

Les bactéries autrefois ennemi n°1, hier tolérables, aujourd'hui nécessaires ?
Source Nature
Autrefois, avec Pasteur qui a jeté les bases de la prophylaxie, promu l'imnportance de l'hygiène personnelle et sociale (cf hygiene-educ) on voyait les bactéries comme l'ennemi n°1 et on cherchait à les éliminer sans distinction. Notamment avec les antibiotiques à large spectre. Et les progrès de santé que l'hygiène a permis ont renforcé cette vision.
Puis on a commencé à en tolérer certaines : par exemple le concept de flore intestinale et les lactoferments - qu'on n'ose pas les appeler bactéries - administrés après un traitement antibiotique me paraissent liés à cette vision.
Depuis peu me semble voir apparaître une vision plus favorable encore où elles sont franchement utiles et même gérées activement dans notre intérêt bien compris.
Une exposition préparée par des chercheurs de l'UniGE en marge du colloque Wright 17-21 Novembre va approfondir ce thème. Voir plus bas.

Un système immunitaire destiné a contrer les "microbes" ou à les gérer ?
Avant qu'intervienne les anticorps, le système immunitaire déploie de nombreuses molécules antimicrobiennes qui ont une efficacité remarquable et apparemment suffisante chez de nombreux organismes qui n'ont que ce système immunitaire inné. (Cf review Michael Zasloff (2002)) Au point qu'on se demande si la complexité de notre système immunitaire n'est pas tant destinée à combattre les agents pathogènes qu'à gérer une tolérance sélective. On en vient a imaginer que nous favorisons certaines variétés utiles, comme une sorte de force de travail bactérien ou presque de symbiose il me semble.

Les bactéries sont en nous !
Source Nature ZEPHYR/SPL
Selon Mullard (2008), les bactéries de notre intestin sont environ 10 trillons (10^10) et pèsent 1.2 kg Abbott (2004) ! ( j'imagine que ce chiffre n'est pas le même pour une minette quasi anorexique et un bon gros client du MacDo ...) Tout de même, elles sont 10 fois plus nombreuses que nos cellule. Sans parler de celles de notre peau, voir plus bas.
  • Mullard, Asher. (2008). Microbiology: The inside story Published online 28 May 2008 | Nature 453, 578-580 | doi:10.1038/453578a
  • Abbott, Alison. (2004) Microbiology: Gut reaction Nature 427, 284-286 (22 January 2004) | doi:10.1038/427284a !

Les bactéries sont dans notre génome ?
Dans le nôtre, pas sûr, mais des chercheurs (Hotopp, J. C. D., et al. (2007))ont trouvé dans le génome de plusieurs insectes et de quelques vers des fragments de plus de 500bases et même le génome entier ( 1 Mb) de la bactérie Wolbachia pipientis.
Bien sûr Wolbachia pipientis est une bactérie un peu spéciale, elle infecte 20 à 75 % des insectes et de nombreux invertébrés. Mais de là à insérer son génome entier dans celui de ses hôtes il y a un pas. Pour Takema Fukatsu ces transferts horizontaux, bien connus chez les bactéries, sont peut-être plus répandus chez les eukaryotes.
Pas sûr que notre génome soit à l'abri. En tous cas notre génome contient de nombreux fragments d'anciens rétrovirus (env 8% de endogenous retroviruses (ERV) selon Lester, Benjamin. (2007)) qui s'y sont insérés dans notre passé évolutif et sont transmis avec nos chromosomes. Et des centaines de gènes d'origine bactérienne résultant probablement de transfert horizontal (International Human Genome Sequencing Consortium 2001)

Les bactéries de chaque intestin seraient différentes
Il semble Pearson, H. (2006a) que les bactéries qui peuplent nos intestins soient acquises à la naissance et restent relativement stables. Cette population serait acquise par le contact avec les populations de bactéries de la mère. Oui vous avez bien deviné... nous parlons des flores intestinales , vaginales et du lait de la mère : le contact avec ces muqueuses ou fèces donne au bébé un premier capital de bactéries qui va ensuite se développer en fonction des autres caractéristiques de l'individu (génétiques, alimentaires, etc.)
source Nature CAMERON/CORBIS
D'ailleurs Pearson, H. (2006b) que le fait de naître par césarienne -dans des condition forcément plus stériles- plutôt que naturellement ne donne pas l'occasion au système immunitaires de développer une tolérance à la flore intestinale et que "le système immunitaire des bébés nés naturellement à une longueur d'avance " Lotz M., et al. (2006)
Cela expliquerait peut-être en partie les réactions différentes de chacun à une nourriture identique.

Des bactéries plus efficaces favorisent l'obésité ?
Selon 2 news de Helen Pearson (2006a et 2006b), des études montrent que les populations de bactéries des gens obèse seraient différentes, notamment la quantité de Methanobrevibacter smithii qui élimine l'hydrogène et permet mieux l'action d'autres bactéries et réduit de ce fait le méthane... flatulent. Ces flores-là convertiraient plus efficacement (40% de plus) les fibres -sinon indigestes- en acides gras absorbables. Cette conversion représente 10% de notre apport calorique. Or même une légère augmentation de l'apport calorique suffit à favoriser l'obésité. Cf Bio-Tremplins Juillet 2007 et Science et Vie en parlait brièvement en février 2007 (intranet.jpg)

Trop d'hygiène serait défavorable ?
On a beaucoup parlé de l'hypothèse hygiéniste (review : Yazdanbakhsh, 2002) selon laquelle une trop grande hygiène dans la petite enfance favoriserait l'apparition d'allergies en privant le système immunitaire d'opportunités de

La encore un choix judicieux de microbes en nous jouent un rôle très nuancé et même franchement positif. (D'accord il semblerait que ce sont plutôt des parasites, protistes et vers qui plus seraient impliqués)

Des bactéries qui préviennent le diabète ?

Source : nature Punchstock
Une étude récente, rapportée par Zelkowitz (2008) dans Science Now et Ledford (2008) dans Nature montre que la présence de bactéries à la petite naissance influence le système immunitaire ( les lymphocytes T sont moins activés) et que cela prévient l'apparition du diabète de type 1 chez des souris. c
Cela renforce ici aussi l'idée que les microbes en nous affectent profondément la manière dont nos organes fonctionnent, dit Margaret McFall-Ngai de l'University of Wisconsin, Madison. Gerard Eberl (2008) dans La Recherche explique que le diabète de type I est une maladie auto-immune où notre système immunitaire attaque les cellules qui devraient fabriquer l'insuline. Les bactéries réguleraient l'équilibre entre le volet inflammatoire et le volet régulateur.
Dans la même veine, Mazmanian, et al (2008) dit - a propos de la maladie inflammatoire de l'intestin que certaines molécules produites par nos bactéries pourraient faire la différence entre la santé et la maladie,

Plus de bactéries sous la peau ?

Une étude récente rapportée par Pennisi, Elizabeth. (2008) explore la diversité des bactéries à divers endroits de la peau, et a par exemple découvert que nous avons plus de bactéries sous la peau 1 million par cm2 qu'à la surface : 10'000/cm2 .
  • Pennisi, Elizabeth. (2008). Bacteria Are Picky About Their Homes on Human Skin Science 23 May 2008: Vol. 320. no. 5879, p. 1001 DOI: 10.1126/science.320.5879.1001

Explorer la richesse en nous : le projet microbiome.
Source Projet HMP
Un grand projet : Human Microbiome Project (HMP) , dans le prolongement du projet génome humain, vise a comprendre les interactions entre ces microbes en nous et avec nous.
  • Peter J. Turnbaugh, et al. . Gordon1(2007) The Human Microbiome Project Nature 449, 804-810 (18 October 2007) | doi:10.1038/nature06244; Published online 17 October 2007

A l'occasion du 13e Colloque Wright , les « Grandes épidémies », le professeur Linder et le docteur Perron des Facultés de médecine et des sciences de l'UNIGE et Madame Yvon de la Passerelle de l'UNIGE ont réalisé une exposition grand public sur le thème de la microbiologie. En 12 panneaux largement illustrés, ils nous emmènent à la découverte des microbes, ces organismes invisibles à l'¦il nu qui nous habitent et nous entourent.
On y découvre leur extrême diversité et leur omniprésence dans notre environnement. Malgré leur mauvaise réputation, on apprend que l'immense majorité des microbes est essentielle à l'équilibre des écosystèmes et nous rend de nombreux services. Néanmoins quelques-uns d'entre eux sont indésirables et causent des maladies pouvant être fatales. De nombreuses stratégies d'attaques ont été développées par l'homme pour lutter contre ces micro-organismes mais certains résistent. Certains de ces indésirables, très présents dans les médias, sont mis en lumière (grippe, HIV).

Cette exposition s'accompagne d'une brochure qui permet d'aller plus loin dans la compréhension de la microbiologie. Celle-ci complète chaque panneau de l'exposition par un texte explicatif visant à la fois à approfondir certains concepts scientifiques et à donner quelques exemples concrets de recherches menées dans l'arc lémanique. Cette brochure sera à disposition sur le lieu de l'exposition.

17-21 novembre
Uni Dufour, sous sol
Tout public.


La diversité des organismes étrangers comme une richesse plutôt qu'un problème ?
Ainsi nos populations de bactéries sont finalement - plutôt qu'un problème - une richesse en nous que notre système immunitaire apprend à gérer avec finesse pour optimiser notre santé... ?

Peut-être que la réflexion sur les problématiques d'intégration pourrait s'inspirer de la manière dont notre organisme gère sa population étrangère ?

mardi 28 octobre 2008

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Votre feed-back est toujours bienvenu sur les choix, le ton, le degré d'approfondissement etc.
Bien que je n'aie aucun intérêt à avoir plus d'inscrits, chaque inscription est une motivation à continuer et faire mieux... Alors n'hésitez pas, partagez !

le colloque Wright : un must !

Une pré-annonce :
Pour vous permettre d'organiser, le colloque Wright aura lieu du 17-21 novembre sur le thème des grandes épidémies, le retour ?Avec :

De g. à d., J. M. Bishop, R. G. Webster, D. D. Ho, D. Young, H. Grundmann.
  • Il y aura à Uni-Dufour une expo du Prof Linder de l'UniGE :
  • Les microbes, pour le meilleur et pour le pire

Terreur chez les lombrics !

Le grognement qui fait sortir les vers de terre

Dans une nouvelle récente dans Science, Boutin, Chad(2008). The Grunter Gets the Worm rapporte qu'une étude explique enfin une vieille tradition de Floride, le Grunting . Se levant à l'aube ces chasseurs de vers enfoncent un pieu de 30cm dans le sol et en frottent l'extrémité avec une longue lame d'acier, (rooping iron) comme une sorte de râpe, produisant un grognement sinistre et guttural, qui fait sortir les vers de terre !
Jusqu'à présent on ignorait comment cette technique induisait la sortie des vers.

Lors d'un festival en avril, le Eighth Annual Sopchoppy Worm Gruntin' Festival in Sopchoppy, Florida, deux équipes de biologistes (Jayne Yack du Carleton University in Ottawa, Canada, et Kenneth Catania du Vanderbilt University in Nashville, Tennessee) ont installé géophones et sismonètres et ont mesuré ce qui se passe : en grattant leur pieu environ 25 fois en 30 seconds, ils ont produit des vibrations dans le sol à environ 100 hertz et on vu apparaître en moins de 2 minutes de nombreux vers Diplocardia mississipiensis
La preuve que ces vers sont sensibles aux vibrations du sol est donc faite.

Une petite vidéo ici montre la technique et permet d'entendre le bruit qui fait sortir les vers de terre...

Catania et al. (2008) publient dans PLoS ONE une expérience avec une caisse de terre pleine de vers dans laquelle on laisse une taupe creuser une galerie par le coté : ils ont vu fuir les vers à leur vitesse maximale de 50 cm par minute. Ainsi l'action des grunters s'explique par l'imitation du bruit que fait le principal prédateur de ces vers : la taupe creusant.
Ils ont aussi pu par d'autres expériences similaires éliminer l'hypothèse que ce serait le bruit de la pluie tambourinant sur le sol qui cause la fuite des vers.
Evidemment pour les vers, sortir de terre, c'est s'exposer à d'autres prédateurs,... mais la taupe -qui ne sort pas de terre - peut manger son poids en ver de terre par jour et constitue donc une menace encore plus grande que les oiseaux et autres prédateurs de surface.

C'est un peu comme les poissons volants qui fuient les prédateurs marins dans les airs, dit Catania

Encore un comportement qui n'est pas intrinsèquement "bon", mais constitue un optimum entre des pressions de sélection contradictoires, adaptée dans ce milieu-là.
Le rôle décisif du milieu dans l'évolution est bien mis en évidence.


Sources

jeudi 23 octobre 2008

Le cinéma de l'embryon au top ten ?

L'embryologie dans le top ten des downloads de films ?
Alors que la question des bons usages d'Internet en classe commence à se poser, des chercheurs à l'EMBL ont produit une vidéo qui risque d'être au top du hit-parade dans les classes d'embryologie : une vidéo où l'on distingue bien chaque cellule de l'embryon et ses mouvements jusqu'à la neurulation. Une telle précision sur une si longue durée a été rendue possible par la mise au point d'une nouvelle forme de microscopie tridimensionnelle la DSLM.
Figure 1 : Quelques petites images extraites de la splendide vidéo d'un embryon de vertébré à divers stades.
Et ces images authentiques sont librement accessibles à tous !


L'imagerie cellulaire ... encore un domaine en expansion
En effet , dans une news de Science, Vogel (2008) rapporte les travaux de Keller et al. (2008) qui ont mis au point une nouvelle forme de microscopie : la DSLM (digital scanned laser light sheet fluorescence microscopy).
Une sorte de scanner excite les cellules marquées (ici leur chromatine) en balayant un laser horizontalement, puis de haut en bas par tranches successives pour parcourir l'échantillon (ici un embryon). On mesure la fluorescence à angle droit et un système informatique très puissant reconstitue l'image en 3-D . Cela permet d'assurer sur des échantillons de quelques millimètres un suivi de chaque noyau durant 24 heures du développement de l'embryon : une précision et une durée encore jamais atteinte.
Fig 2 : le principe de la DSLM en un schéma : pour exciter la fluorescence on illumine avec un laser (bleu) l'échantillon et on balaie par ligne horizontale puis verticalement par plan et on mesure la fluorescence émise par les noyaux (vert). Source : Keller et al (2008) Le principe de fonctionnement de la DSLM est sous forme de vidéo ici

Une application en embryologie
Ils ont ainsi suivi de minute en minute les étapes du développement d'un embryon de vertébré (le poisson Danio rerio : en anglais : Zebrafish dans l'article) nous offrant la possibilité de faire découvrir aux élèves les mouvements des cellules
Ils ont pu ainsi trancher entre deux hypothèses sur l'origine de la rupture de symétrie qui identifie l'axe du corps.
Et Internet nous permet encore une fois d'accéder à des données authentiques, issues tout droit de la recherche, accessibles en classe ou même par les élèves à la maison !
Une vidéo pour découvrir l'embryologie ?
Parmi les séquences proposées, la plus remarquable est -à mon avis - celle-ci (extraits intranet ici)
: une vidéo des premières divisions de l'embryon (depuis 64 cellules) jusqu'à la neurulation où l'on peut suivre chaque cellule. (! c'est un fichier de 41Mb !).

Quel usage en faire ?
La première idée est probablement que le maître la présente à la classe et la commente.
Mais d'autres questions didactiques se posent, comme de décider si on la présente aux élèves avant ou après les images statiques. Ou encore si on la fait regarder aux élèves après une introduction du sujet, pour aider à intégrer la dynamique ou plutôt comme découverte de la dynamique du développement, que les images statiques viendront solidifier.
Dans d'autres approches éducatives, pour ceux qui veulent que les élèves apprennent à observer les phénomènes biologiques et à en extraire eux-mêmes les connaissances, elle pourrait être le support d'une activité des élèves où ils devraient repérer dans la vidéo les images statiques de leur ouvrage voire ordonner une série d'images.
Il y a bien sûr encore d'autres possibilités que chacun saura inventer.
Clairement ce que les élèves apprennent n'est pas identique dans chacun de ces cas et c'est un débat passionnnant.
Comme souvent dans cette période où Internet entre lentement en classe, la question n'est pas tant si cette ressource est bonne ou non, mais plutôt si tel ou tel usage est adapté à cette classe, à ce programme, à ce style d'enseignement, à ce qu'on veut que les élèves sachent vraiment, ...

Que dit la recherche sur la question de l'apport à l'apprentissage des animations ?
Des recherches, notamment à TECFA, un labo de l'UniGe, (Bétrancourt, M. & Chassot, A., 2008) ont abordé ce genre de questions, et incitent à limiter la surcharge cognitive que représente la découverte simultanée de nombreux concepts comme les mouvements cellulaires, les grandes étapes de l'embryologie, la différenciation cellulaire, etc
Pour Mireille Bétrancourt, Prof à TECFA,
"Il vaut mieux présenter d'abord les états statiques, et surtout les différents éléments qui interviennent, avant de commenter la dynamique. D'autre part, il faut bien indiquer quels sont les éléments dynamiques intéressants à regarder, car sinon les élèves vont avoir tendance à se focaliser sur les éléments les plus saillants perceptivement, [ =ce qui frappe, qui est le plus visible] qui ne sont pas forcément les plus intéressants. Enfin, il faut aussi réaliser que les élèves ne déduiront pas la "logique" du mécanisme à partir du simple visionnement de la séquence temporelle, que pour ça, il faut imaginer des activités qui incitent les élèves à réfléchir sur les mécanisme le fonctionnement."

L'essentiel est invisible pour les yeux ... on ne voit bien qu'avec un regard instruit.
Ainsi, malgré le souhait fondamental en sciences expérimentales de commencer par l'observation, de tout baser sur les faits, il vaut peut-être mieux pour des débutants les aider à se former d'abord un regard de biologiste. Et ce regard n'est pas inné... savoir regarder s'apprend et suppose pas mal de connaissances. Ensuite, ce regard actif, étayé, construit peut comprendre les concepts et enfin aborder la dynamique dans une vraie découverte.

Et apprécier encore mieux cette belle découverte scientifique... ce que St. Exupéry n'aurait peut-être pas renié. Qu'il me pardonne cette paraphrase osée.



Pour des ressources en classe, voir aussi
Source

dimanche 12 octobre 2008

Hospitalité et pique-assiettes: les fleurs manipulent les pollinisateurs.

Hospitalité et pique-assiettes : la solution chimique....

On sait que les fleurs attirent souvent les insectes ou les oiseaux pollinisateurs avec des couleurs et des motifs contrastés, des odeurs attirantes et offrent du nectar.
Les plantes étant si nombreuses et l'importance de la pollinisation dans leur reproduction si critique, on pourrait imaginer que l'évolution soit plutôt contrôlée par les insectes et les autres pollinisateurs.
Une recherche récente (Kessler, D. et al. 2008), rapportée par Raguso (2008) dans les News de Science, révèle que certaines plantes en tous cas ont des stratégies pour reprendre la main et contrôler la distribution de leur nectar en vue d'optimiser la pollinisation.

Générosité contrôlée
En effet les plantes se reproduisent mieux si leur pollen est distribué largement, et si les ressources offertes sont parcimonieusement distribuées aux animaux les plus susceptibles de diffuser le pollen efficacement.

Par une combinaison de substances chimiques - chez Nicotiana attenuata en tous cas - la plante favorise les pollinisateurs qui prennent un peu de nectar seulement, et vont trouver le reste de leur pitance chez de nombreuses fleurs, distribuant ainsi le pollen entre plusieurs fleurs.
Figure 1 Une pollinisation optimisée par la chimie. N. attenuata attire les colibris (Archilochus alexandri) avec du nectar et des parfums, mais les repousse avec des toxines : nicotine. Cela favorise une diffusion optimale du pollen. [img]CREDIT: D. KESSLER

La séduction optimale : parfum envoûtant et toxique répulsif.
La plante équilibre l'attraction (couleurs , parfums, nectar) et la répulsion (nicotine toxique) d'une manière qui pourrait évoquer les jeux la séduction...
Une fleur qui produit à la fois du benzyl acetone (une des odeurs les plus attractives) et de la nicotine (un insecticide naturel agissant sur le système nerveux des insectes, et qui est aussi dissuasif pour les oiseaux) pourrait évoquer la femme fatale de certains fantasmes, mais n'est guère facile a comprendre scientifiquement.
Pour explorer ce paradoxe, Kessler, D. et al. (2008) ont réduit au silence les gènes de la biosynthèse de la nicotine et du benzyl acetone qui est une des odeurs les plus efficaces de ces plantes. Ils ont aussi procédé à des analyses de paternité et des expériences de terrain.
Résultats : Ceux qui produisent à la fois nicotine et benzyl acetone ont plus de descendants et produisent des capsules plus grandes.

Un équilibre antagoniste
Ils interprètent cela par l'équilibre entre 2 effets antagonistes : d'un côté la fleur offre ses atours, qui attirent les pollinisateurs mais aussi des animaux tels que des coléoptères, des bourdons, des chenilles qui perforent la fleur et prennent beaucoup de nectar sans distribuer le pollen. De plus, sans restriction, certains insectes ou colibris prendraient beaucoup de nectar, seraient vite rassasiés et ne visiteraient que peu de fleurs.
D'un autre côté, la fleur produit de la nicotine qui limite les voleurs de nectar et oblige les pollinisateurs à ne prendre que peu à la fois, donc à aller vers de nombreuses autre fleurs.
Personnellement je n'ai pas compris cet argument car il me semble que recevoir une fois beaucoup de toxine ou plusieurs fois un peu ne doit pas être si différent ? Ce sont pourtant les résultats obtenus ! Quelqu'un peut éclairer ma lanterne ? Le blog permet de répondre.

D'autres ruses des plantes ...
Presque un tiers des orchidées n'ont pas de nectar, et si on leur ajoute de l'eau sucrée, les pollinisateurs restent plus longtemps et on observe plus d'endogamie et de pertes de pollen. Les Cycas augmentent la température des cones mâles, obligeant ainsi les insectes qui se nourrissent de pollen à les quitter et à aller vers de cones femelles, pollinisant ainsi ces plantes.

Au fond la vie sexuelle des plantes est aussi faite des complexités de la séduction et bien plus complexe qu'on ne l'imagine...
Pour celles et ceux que ce sujet titille, d'innombrables autres exemples de la complexité de la vie sexuelle des plantes sont présentés dans un ouvrage de Roger Grounds : The private life of plants. A côté de ce que les plantes pratiquent, il dit que les humains les plus pervers semblent bien sages !

Sources

vendredi 26 septembre 2008

Le camouflage de mobilité

Les insectes sont souvent camouflés ... immobiles




Fig 1 : Biston betularia : un exemple classique de camouflage immobile. (Source Kettlewell, Oxford ) Phasme-bâton qui ressemble à une brindille (source : Phasmes.com).

On connaît bien les formes de camouflage des insectes notamment, comme le fameux Biston betularia (phalène des bouleaux) qui est un exemple classique (et maladroitement fondé-nous y reviendrons) dans l'évolution. Ou les Phasmes qui ressemblent à des brindilles de bois. Mais tous ces camouflages supposent l'animal immobile.

Les libellules sont des prédateurs très rapides

Fig. 1 : Une libellule (Aeschne sp. bleue ?) assez proche de Hemianax. On voit bien ses grands yeux qui lui donnent une vue très large.
Ici encore en cours de séchage après sa mue elle m'a été plus facile à photographier près de Genève ! (Source : F.Lo)

Pour la libellule qui chasse en vol, la question du camouflage se pose autrement ... Or ces animaux défendent fortement leur territoire et pour les auteurs ce sont les plus anciens prédateurs aériens.


Fig 3 . Les libellules géantes étaient les premiers prédateurs des airs selon Mizutani et al. (2003). En effet des libellules géantes de 80cm d'envergure ont régné les airs au carbonifère il y a environ 320 millions d'années !(source Wikipedia)


La libellule qui se cache par la virtuosité de son vol

Fig 4 : Hemianax papuensis [img] source : Brisbane Insects and Spiders Home page.

Mizutani Akiko, et al. (2003) ont découvert il y a quelques temps chez une espèce de grandes libellules , Hemianax papuensis, qu'elle est capable de se déplacer en fonction des mouvements de ses proies pour paraître immobile sur le fond visuel.

En effet on sait que les yeux des insectes sont particulièrement sensibles aux mouvements. Quand un insecte volant se déplace, sur sa rétine l'image de l'arrière-plan (Rive de l'étang par exemple) se déplace (Optic flow), de manière régulière selon sa vitesse et sa direction. Un insecte volant dans une autre direction ou immobile serait très visible par contraste.


Par des manoeuvres aériennes très rapides, accélérations énergiques et virages puissants (cf fig 1.b) , la libellule camouflée réussit se placer toujours devant le même point du fond visuel (1.a) alors même que sa proie ou son concurrent se déplace. Ainsi elle se distingue très peu du fond, car il n'y a pas de mouvement apparent pour la proie.



Figure 1a Interactions entre deux libellules mâles : les lignes relient celui qui est camouflé (en bleu) et celui dont il se cache en rouge. On voit que ces lignes se croisent en un point : par rapport à ce point (arrière plan) le bleu parait immobile au rouge . 1b : les accélérations sont très fortes par moments ( vitesse angulaire en degrés.s-1) 1c : un autre example : le camouflé se déplace de manière à être indiscernable d'un objet immobile qui serait situé à l'intersection des lignes ( sphère arc-en-ciel) (image et légende complète An)

Encore une tactique impressionnante pour un si petit cerveau, mais qui a eu pas mal de millions d'années pour optimiser ses performances et sa taille !

Quand les militaires s'en inspireront-ils ? Probablement qu'ils y ont déjà pensé, hélas. Mais les inerties des avions de plusieurs tonnes ne permettent peut-être pas l'incroyable agilité de ces libellules !

Références