mardi 28 octobre 2008

partagez !

Partagez !
Si vous trouvez ces Bio-Tremplins utiles ou intéressants, n'hésitez pas à en parler à vos collègues et amis. Il suffit de m'envoyer un message pour être inscrit.
Pour le moment un tiers des enseignants en bio genevois sont déjà inscrits à cette publication électronique, qui touche aussi plus de 120 personnes à travers le monde francophone, en Algérie, en Belgique, en Roumanie, au Québec et jusqu'en chine. Sans parler de ceux qui sont inscrits au fil RSS du blog.
Votre feed-back est toujours bienvenu sur les choix, le ton, le degré d'approfondissement etc.
Bien que je n'aie aucun intérêt à avoir plus d'inscrits, chaque inscription est une motivation à continuer et faire mieux... Alors n'hésitez pas, partagez !

le colloque Wright : un must !

Une pré-annonce :
Pour vous permettre d'organiser, le colloque Wright aura lieu du 17-21 novembre sur le thème des grandes épidémies, le retour ?Avec :

De g. à d., J. M. Bishop, R. G. Webster, D. D. Ho, D. Young, H. Grundmann.
  • Il y aura à Uni-Dufour une expo du Prof Linder de l'UniGE :
  • Les microbes, pour le meilleur et pour le pire

Terreur chez les lombrics !

Le grognement qui fait sortir les vers de terre

Dans une nouvelle récente dans Science, Boutin, Chad(2008). The Grunter Gets the Worm rapporte qu'une étude explique enfin une vieille tradition de Floride, le Grunting . Se levant à l'aube ces chasseurs de vers enfoncent un pieu de 30cm dans le sol et en frottent l'extrémité avec une longue lame d'acier, (rooping iron) comme une sorte de râpe, produisant un grognement sinistre et guttural, qui fait sortir les vers de terre !
Jusqu'à présent on ignorait comment cette technique induisait la sortie des vers.

Lors d'un festival en avril, le Eighth Annual Sopchoppy Worm Gruntin' Festival in Sopchoppy, Florida, deux équipes de biologistes (Jayne Yack du Carleton University in Ottawa, Canada, et Kenneth Catania du Vanderbilt University in Nashville, Tennessee) ont installé géophones et sismonètres et ont mesuré ce qui se passe : en grattant leur pieu environ 25 fois en 30 seconds, ils ont produit des vibrations dans le sol à environ 100 hertz et on vu apparaître en moins de 2 minutes de nombreux vers Diplocardia mississipiensis
La preuve que ces vers sont sensibles aux vibrations du sol est donc faite.

Une petite vidéo ici montre la technique et permet d'entendre le bruit qui fait sortir les vers de terre...

Catania et al. (2008) publient dans PLoS ONE une expérience avec une caisse de terre pleine de vers dans laquelle on laisse une taupe creuser une galerie par le coté : ils ont vu fuir les vers à leur vitesse maximale de 50 cm par minute. Ainsi l'action des grunters s'explique par l'imitation du bruit que fait le principal prédateur de ces vers : la taupe creusant.
Ils ont aussi pu par d'autres expériences similaires éliminer l'hypothèse que ce serait le bruit de la pluie tambourinant sur le sol qui cause la fuite des vers.
Evidemment pour les vers, sortir de terre, c'est s'exposer à d'autres prédateurs,... mais la taupe -qui ne sort pas de terre - peut manger son poids en ver de terre par jour et constitue donc une menace encore plus grande que les oiseaux et autres prédateurs de surface.

C'est un peu comme les poissons volants qui fuient les prédateurs marins dans les airs, dit Catania

Encore un comportement qui n'est pas intrinsèquement "bon", mais constitue un optimum entre des pressions de sélection contradictoires, adaptée dans ce milieu-là.
Le rôle décisif du milieu dans l'évolution est bien mis en évidence.


Sources

jeudi 23 octobre 2008

Le cinéma de l'embryon au top ten ?

L'embryologie dans le top ten des downloads de films ?
Alors que la question des bons usages d'Internet en classe commence à se poser, des chercheurs à l'EMBL ont produit une vidéo qui risque d'être au top du hit-parade dans les classes d'embryologie : une vidéo où l'on distingue bien chaque cellule de l'embryon et ses mouvements jusqu'à la neurulation. Une telle précision sur une si longue durée a été rendue possible par la mise au point d'une nouvelle forme de microscopie tridimensionnelle la DSLM.
Figure 1 : Quelques petites images extraites de la splendide vidéo d'un embryon de vertébré à divers stades.
Et ces images authentiques sont librement accessibles à tous !


L'imagerie cellulaire ... encore un domaine en expansion
En effet , dans une news de Science, Vogel (2008) rapporte les travaux de Keller et al. (2008) qui ont mis au point une nouvelle forme de microscopie : la DSLM (digital scanned laser light sheet fluorescence microscopy).
Une sorte de scanner excite les cellules marquées (ici leur chromatine) en balayant un laser horizontalement, puis de haut en bas par tranches successives pour parcourir l'échantillon (ici un embryon). On mesure la fluorescence à angle droit et un système informatique très puissant reconstitue l'image en 3-D . Cela permet d'assurer sur des échantillons de quelques millimètres un suivi de chaque noyau durant 24 heures du développement de l'embryon : une précision et une durée encore jamais atteinte.
Fig 2 : le principe de la DSLM en un schéma : pour exciter la fluorescence on illumine avec un laser (bleu) l'échantillon et on balaie par ligne horizontale puis verticalement par plan et on mesure la fluorescence émise par les noyaux (vert). Source : Keller et al (2008) Le principe de fonctionnement de la DSLM est sous forme de vidéo ici

Une application en embryologie
Ils ont ainsi suivi de minute en minute les étapes du développement d'un embryon de vertébré (le poisson Danio rerio : en anglais : Zebrafish dans l'article) nous offrant la possibilité de faire découvrir aux élèves les mouvements des cellules
Ils ont pu ainsi trancher entre deux hypothèses sur l'origine de la rupture de symétrie qui identifie l'axe du corps.
Et Internet nous permet encore une fois d'accéder à des données authentiques, issues tout droit de la recherche, accessibles en classe ou même par les élèves à la maison !
Une vidéo pour découvrir l'embryologie ?
Parmi les séquences proposées, la plus remarquable est -à mon avis - celle-ci (extraits intranet ici)
: une vidéo des premières divisions de l'embryon (depuis 64 cellules) jusqu'à la neurulation où l'on peut suivre chaque cellule. (! c'est un fichier de 41Mb !).

Quel usage en faire ?
La première idée est probablement que le maître la présente à la classe et la commente.
Mais d'autres questions didactiques se posent, comme de décider si on la présente aux élèves avant ou après les images statiques. Ou encore si on la fait regarder aux élèves après une introduction du sujet, pour aider à intégrer la dynamique ou plutôt comme découverte de la dynamique du développement, que les images statiques viendront solidifier.
Dans d'autres approches éducatives, pour ceux qui veulent que les élèves apprennent à observer les phénomènes biologiques et à en extraire eux-mêmes les connaissances, elle pourrait être le support d'une activité des élèves où ils devraient repérer dans la vidéo les images statiques de leur ouvrage voire ordonner une série d'images.
Il y a bien sûr encore d'autres possibilités que chacun saura inventer.
Clairement ce que les élèves apprennent n'est pas identique dans chacun de ces cas et c'est un débat passionnnant.
Comme souvent dans cette période où Internet entre lentement en classe, la question n'est pas tant si cette ressource est bonne ou non, mais plutôt si tel ou tel usage est adapté à cette classe, à ce programme, à ce style d'enseignement, à ce qu'on veut que les élèves sachent vraiment, ...

Que dit la recherche sur la question de l'apport à l'apprentissage des animations ?
Des recherches, notamment à TECFA, un labo de l'UniGe, (Bétrancourt, M. & Chassot, A., 2008) ont abordé ce genre de questions, et incitent à limiter la surcharge cognitive que représente la découverte simultanée de nombreux concepts comme les mouvements cellulaires, les grandes étapes de l'embryologie, la différenciation cellulaire, etc
Pour Mireille Bétrancourt, Prof à TECFA,
"Il vaut mieux présenter d'abord les états statiques, et surtout les différents éléments qui interviennent, avant de commenter la dynamique. D'autre part, il faut bien indiquer quels sont les éléments dynamiques intéressants à regarder, car sinon les élèves vont avoir tendance à se focaliser sur les éléments les plus saillants perceptivement, [ =ce qui frappe, qui est le plus visible] qui ne sont pas forcément les plus intéressants. Enfin, il faut aussi réaliser que les élèves ne déduiront pas la "logique" du mécanisme à partir du simple visionnement de la séquence temporelle, que pour ça, il faut imaginer des activités qui incitent les élèves à réfléchir sur les mécanisme le fonctionnement."

L'essentiel est invisible pour les yeux ... on ne voit bien qu'avec un regard instruit.
Ainsi, malgré le souhait fondamental en sciences expérimentales de commencer par l'observation, de tout baser sur les faits, il vaut peut-être mieux pour des débutants les aider à se former d'abord un regard de biologiste. Et ce regard n'est pas inné... savoir regarder s'apprend et suppose pas mal de connaissances. Ensuite, ce regard actif, étayé, construit peut comprendre les concepts et enfin aborder la dynamique dans une vraie découverte.

Et apprécier encore mieux cette belle découverte scientifique... ce que St. Exupéry n'aurait peut-être pas renié. Qu'il me pardonne cette paraphrase osée.



Pour des ressources en classe, voir aussi
Source

dimanche 12 octobre 2008

Hospitalité et pique-assiettes: les fleurs manipulent les pollinisateurs.

Hospitalité et pique-assiettes : la solution chimique....

On sait que les fleurs attirent souvent les insectes ou les oiseaux pollinisateurs avec des couleurs et des motifs contrastés, des odeurs attirantes et offrent du nectar.
Les plantes étant si nombreuses et l'importance de la pollinisation dans leur reproduction si critique, on pourrait imaginer que l'évolution soit plutôt contrôlée par les insectes et les autres pollinisateurs.
Une recherche récente (Kessler, D. et al. 2008), rapportée par Raguso (2008) dans les News de Science, révèle que certaines plantes en tous cas ont des stratégies pour reprendre la main et contrôler la distribution de leur nectar en vue d'optimiser la pollinisation.

Générosité contrôlée
En effet les plantes se reproduisent mieux si leur pollen est distribué largement, et si les ressources offertes sont parcimonieusement distribuées aux animaux les plus susceptibles de diffuser le pollen efficacement.

Par une combinaison de substances chimiques - chez Nicotiana attenuata en tous cas - la plante favorise les pollinisateurs qui prennent un peu de nectar seulement, et vont trouver le reste de leur pitance chez de nombreuses fleurs, distribuant ainsi le pollen entre plusieurs fleurs.
Figure 1 Une pollinisation optimisée par la chimie. N. attenuata attire les colibris (Archilochus alexandri) avec du nectar et des parfums, mais les repousse avec des toxines : nicotine. Cela favorise une diffusion optimale du pollen. [img]CREDIT: D. KESSLER

La séduction optimale : parfum envoûtant et toxique répulsif.
La plante équilibre l'attraction (couleurs , parfums, nectar) et la répulsion (nicotine toxique) d'une manière qui pourrait évoquer les jeux la séduction...
Une fleur qui produit à la fois du benzyl acetone (une des odeurs les plus attractives) et de la nicotine (un insecticide naturel agissant sur le système nerveux des insectes, et qui est aussi dissuasif pour les oiseaux) pourrait évoquer la femme fatale de certains fantasmes, mais n'est guère facile a comprendre scientifiquement.
Pour explorer ce paradoxe, Kessler, D. et al. (2008) ont réduit au silence les gènes de la biosynthèse de la nicotine et du benzyl acetone qui est une des odeurs les plus efficaces de ces plantes. Ils ont aussi procédé à des analyses de paternité et des expériences de terrain.
Résultats : Ceux qui produisent à la fois nicotine et benzyl acetone ont plus de descendants et produisent des capsules plus grandes.

Un équilibre antagoniste
Ils interprètent cela par l'équilibre entre 2 effets antagonistes : d'un côté la fleur offre ses atours, qui attirent les pollinisateurs mais aussi des animaux tels que des coléoptères, des bourdons, des chenilles qui perforent la fleur et prennent beaucoup de nectar sans distribuer le pollen. De plus, sans restriction, certains insectes ou colibris prendraient beaucoup de nectar, seraient vite rassasiés et ne visiteraient que peu de fleurs.
D'un autre côté, la fleur produit de la nicotine qui limite les voleurs de nectar et oblige les pollinisateurs à ne prendre que peu à la fois, donc à aller vers de nombreuses autre fleurs.
Personnellement je n'ai pas compris cet argument car il me semble que recevoir une fois beaucoup de toxine ou plusieurs fois un peu ne doit pas être si différent ? Ce sont pourtant les résultats obtenus ! Quelqu'un peut éclairer ma lanterne ? Le blog permet de répondre.

D'autres ruses des plantes ...
Presque un tiers des orchidées n'ont pas de nectar, et si on leur ajoute de l'eau sucrée, les pollinisateurs restent plus longtemps et on observe plus d'endogamie et de pertes de pollen. Les Cycas augmentent la température des cones mâles, obligeant ainsi les insectes qui se nourrissent de pollen à les quitter et à aller vers de cones femelles, pollinisant ainsi ces plantes.

Au fond la vie sexuelle des plantes est aussi faite des complexités de la séduction et bien plus complexe qu'on ne l'imagine...
Pour celles et ceux que ce sujet titille, d'innombrables autres exemples de la complexité de la vie sexuelle des plantes sont présentés dans un ouvrage de Roger Grounds : The private life of plants. A côté de ce que les plantes pratiquent, il dit que les humains les plus pervers semblent bien sages !

Sources