jeudi 27 novembre 2008

Haeckel trop simplifié ?

Alors que la contestation de l'évolution n'est plus réservée a l'Amérique traditionaliste et commence a se faire sentir même chez nous, la rigueur scientifique des arguments et documents employés prend une importance particulière. Or un exemple largement employé dans l'enseignement -modifié pour le rendre plus convaincant - offre une prise presque trop facile aux critiques, alors même qu'il est fondamentalement pertinent.

L'ontogénie résume la phylogénie ... Vraiment ?

Nous connaissons tous la planche de Haeckel 1874 souvent présentée pour mettre en évidence la similitude des embryons aux premiers stades. Il parle de stade phylotypique : un stade très similaire par où tous les embryons vertébrés passeraient. Elle a aussi été employée pour illustrer la loi biogénétique ou de récapitulation qu'on a essentiellement abandonnée.
Dans l'enseignement, en général on se limite à y chercher quelques similitudes : en particulier on arrive bien à y mettre en évidence la présence de fentes branchiales chez les mammifère et de queue chez notre embryon.

Fig I : La planche de Haeckel en 1874 (source Gilbert et al 2000)

Or une analyse de Richardson, et al. (1997) montre qu'en fait Haeckel avait passablement arrangé -certains parlent de falsification de - ces images, et dit qu'il l'avoue dans une lettre ultérieure. Cf. Pennisi Elizabeth. (1997) Surtout il conteste l'existence d'un stade phylotypique.
L'excellent ouvrage Gilbert et al. (2000) on-line et gratuitement accessible par un simple accès internet propose une discussion assez complète de la question.: Haeckel and the Vertebrate Archetype


Figure 2 source : "Selected embryos shown at the "phylotypic" stage. " Ce que ces images auraient du être en fait selon Richardson (1977)


Y'a pas photo ?
Figure 3 : Photographs of a fish, amphibian, reptile, mammal, and bird embryo at the "phylotypic" stage. (Photographs courtesy of M. Richardson.) des photos d'embryons de divers vertébrés ou l'on peut voir -c'est plus difficile - les similitudes et les différences.

Sur ces images, on voit tout de même bien les fentes branchiales - et on peut montrer que si nous n'avons pas de branchies notre embryon a bien des ébauches.
A d'autres stades on distingue bien la queue en formation dans l'embryon humain.

Les similitudes et les différences ?
Pour démontrer l'évolution on doit en somme trouver des similitudes suffisamment nombreuses et fondamentales pour confirmer une origine commune et des différences graduées corrélées entre elles pour démontrer une évolution depuis cette origine commune.

Y a-t-il une "vraie" image, alors ?
On retrouve cette image sous de nombreuses formes dans des ouvrages de biologie, relativement récents, on les trouve par exemple :
  • Miram, W., & Scharf, K. H. (1997). Biologe. Ed LEP. intranet.jpg
  • Zihlman, A. (1982). Human Evolution Coloring Book (1st ed.). New York: Barnes & Noble.intranet.jpg
  • Kolb, H. (1968). High School Biology, Green Version. Chicago: Rand Mc Nally.intranet.jpg
Dans ces ouvrages des image équivalentes diversement schématisées contrastent avec la simplicité trop parfaite de celle de Haeckel... ce qui la rend si frappante.

Plus clair, plus "didactique", scolaire mais moins correct ?
Cet exemple montre bien combien la question de la transposition en classe de savoirs authentiques est difficile. Le document de Haeckel est sans doute bien plus facile à exploiter en classe que ceux de Richardson. Il est plus "didactique" diront certains : on y voit bien ce que les élèves doivent voir. C'est déjà si difficile de les intéresser et de leur faire comprendre en quoi cela constitue une preuve d'évolution. Sa persistance dans des ouvrages presque récents et dans de nombreux document encore utilisés dans les écoles est sans doute l'expression de la force de persuasion de cette image. On sait bien que le schéma n'est jamais neutre dans ce qu'il choisit de montrer ou d'estomper qu'il est forcément construit en référence à un modèle explicatif qui détermine ce qui est important

Didactique, oui mais est-ce une fraude ?
"Je ne pense pas qu'en concluant simplement que Haeckel a commis une fraude ou que les enseignants commettent des simplifications outrancières on rende justice de la complexité du problème de la représentation en sciences. Toutes les représentations du type de Haeckel sont l'expression de partis pris théoriques et doivent être comprises comme des tentatives de convaincre une audience particulière. Les représentations de Haeckel ne sont pas davantage des fraudes que celles de Darwin, Mendel, Watson, Crick et tant d'autres, elles font partie du processus normal de production des connaissances scientifiques. Toutefois, je pense qu'attirer l'attention sur le travail de Richardson est intéressant et un bon sujet pour un tremplin."

Bruno J. Strasser est professeur d'histoire des sciences et de la médecine à l'Université de Yale.
Notre ADN apporte des preuves encore plus solides
Dans une vision plus large de la question des preuves de l'évolution, les plus solides peuvent être trouvées dans les séquences d'ADN dit Moore (2008) L'impressionnante similitude au niveau des gènes mais aussi de l'ensemble du génome montre bien l'origine commune et les différences au niveau assez fin entre les gènes ou les protéines (orthologues) équivalentes d'espèces différentes constituent des preuves très fortes de l'évolution. Et les données d'origine et les outils authentiques pour les faire apparaître sont accessibles en classe a l'aide d'une simple connexion internet. Des scénarios d'usage en classe sont proposés dans un cours de formation continue organisé avec l'Université de Genève ici. Notamment l'évolution de l'insuline : scénario n° 5.

L'authentique complexe ou le simple, scolaire ?

Les documents authentiques -qui sont de plus en plus souvent accessibles en classe par internet - sont bien souvent plus complexes à utiliser. Mais le monde n'est guère simple, et tôt ou tard il faudra bien que les élèves deviennent capables de faire face a cette complexité.
Jonassen (2003) dit que
"le péché le plus grave qu'un enseignant puisse commettre est de simplifier la plupart des idées enseignées aux élèves afin de faciliter leur transmission. Une trop grande simplification déconnecte les savoirs de leur contexte, leur ôtant une grande part de leur sens et encourage l'illusion confortable que le monde serait simple et cohérent. " Trad. personnelle
Ne faudrait-il pas plutôt de rendre l'élève progressivement capable d'affronter la complexité de la science.
Et peut-être aussi les aider à devenir des citoyens et des consommateurs responsables ?

Sources :

lundi 17 novembre 2008

Les forêts anciennes absorbent effectivement beaucoup de CO2.

Les forêts anciennes absorbent effectivement beaucoup de CO2.

Fig 1 : réseau FLUXNET, (constitué de tours de mesure des échanges de CO2, vapeur d'eau et d'énergie entre les écosystèmes et l'atmosphère)
Selon Marris, Emma (2008) dans Nature News Old forests capture plenty of carbon, la question de l'absorption par une forêt du CO2, ou de sa neutralité de ce point de vue est débattue et est décisive dans les choix développés pour gérer l'excès de ce gaz à effet de serre. Est-il plus efficace de planter un nouvel arbre ou d'en conserver un ancien ?
Figure 2 : Rajeunir la forêt absorbe plus de CO2 ? (source F.Lombard)

On pensait que seule les forêts jeunes (qui se développent et donc fixent du CO2 dans les nouvelles branches, racines et troncs) réalisaient une absorption nette.En effet nos ouvrages de référence montraient souvent une baisse de la productivité primaire dans la forêt climacique

Figue 3 : un exemple de graphique liant la productivité primaire et la progression le long d'une série vers le climax. (Source www.sciencebitz.com/?page_id=118. )

Une nouvelle étude confirme d'autres qui le suggéraient déjà depuis quelques années : Sebastiaan Luyssaert de l'Université d'Antwerp, en Belgique, dans le cadre de plusieurs réseaux dont FLUXNET, (constitué de tours de mesure des échanges de CO2, vapeur d'eau et d'énergie entre les écosystèmes et l'atmosphère) a montré que les forêts boréales primaires et les forêts tempérées, qui font 15% de toutes les forêts, fixent a peu près 1.3 gigatonnes of de carbone par an +/- une demi gigatonne. Il l'expliquent par l'accroissement des arbres, les nouveaux arbres et la diminution de la respiration dans les arbres anciens.
Ainsi il vaut mieux préserver les forêts, que de les remplacer par des jeunes.

Comment l'information percole-t-elle à travers les étapes de la vulgarisation ?
C'est intéressant de voir quels chemins suit l'information. Elle part des créateurs de connaissance : les chercheurs, qui publient dans des revues très spécialisées puis, quand l'information atteint un niveau de généralité suffisant, dans des revues comme Science ou Nature. Ensuite il y a des journalistes qui vulgarisent, une cascade de simplifications DINOSAURESet souvent de mise en scène sensationnaliste.Cette recherche en est un exemple assez modéré, mais d'autres exemples ont été rassemblés ici

Sources
La publication d'origine dans Nature
La news dans Nature qui résume en une page (parle de 15% de toutes les forêts) La Recherche : 1/3 de page : un interview, une mise en perspective (contexte, méthodes, pertinence des extrapolations, conséquences) La publication d'origine est clairement mentionnée.
  • Dupouey,Jean-Luc. (2008) Les forêts âgées stockent encore du Carbone, La Recherche Intranet.jpg
Science et Vie : un encadre 1/4 de page : quelques faits et deux citation d'un des auteurs, français. Mentionne 30% de la couverture mondiale de forêts. La publication d'origine n'est pas citée ni référencée.
  • P.L. (2008) Les forets anciennes absorbent encore du CO2 Science et Vie Novembre 2008 p. 39 intranet.jpg
Un Blog : Mondedurable mentionne aussi le chiffre de 15%
et la liste continuerait facilement avec les journaux gratuits ...

Et les bio-tremplins aussi ?
...et cette publication continue la liste !Oui, pourtant celle-ci essaye d'être un tremplin, d'inciter chacun à remonter à la source et facilite autant que faire se peut en fournissant les liens...
A chacun de choisir s'il veut en faire un tremplin ou se contenter de la lire...

mercredi 12 novembre 2008

La recherche peut-elle nous aider dans la lutte contre les résistances aux antibiotiques ?

La recherche peut-elle nous aider dans la lutte contre les résistances aux antibiotiques ?

Alors que les mauvaises nouvelles sur le front des maladies infectieuses sont nombreuses... que le colloque Wright affiche ce titre inquiétant "Grandes épidémies le retour ?" j'ai choisi d'explorer un peu la littérature scientifique pour voir si la recherche porte des espoirs et quelques bonnes nouvelles.

Quand les femmes pourront se protéger activement contre le sida
Les technologies de pointe au service des pays défavorisés.
La première bonne nouvelle sort de notre université : une protéine microbicide et bon marché qui pourait donner un gel pour la prévention du sida, chez les femmes du tiers-monde notamment.

A l'UNIGE, l'équipe de Oliver Hartley, aidée par des collaborateurs français et américains, a découvert la nouvelle molécule via une technique innovante intégrée à l'ingénierie des protéines, expressément conçue pour la circonstance. Le nouveau-né des microbicides, désigné sous l'appellation de 5P12-RANTES, «marche tout aussi bien que la précédente chez les macaques sur lesquels nous l'avons testé, mais ne coûtera qu'une petite fraction de son prix», selon Oliver Hartley.
La quête d'un microbicide efficace et pas trop onéreux:
Plusieurs grandes institutions ont déjà tenté la conversion de molécules, utilisées à d'autres fins, en microbicides. Malheureusement, la plupart ont échoué : les produits obtenus n'étaient pas assez puissants ou, pire, ils favorisaient l'infection. Mais, depuis la fin des années 90, les recherches des profs Hartley et Offord se sont démarquées par leur usage des données modernes concernant le mode d'action du virus du sida. Leurs résultats ont permis l'élaboration de molécules d'un tout autre genre, spécifiquement conçues pour fonctionner contre le VIH. Pour rappel, en 2004, ces chercheurs avaient déjà développé une protéine, qui compte parmi les substances anti-sida les plus puissantes actuellement connues : ce fut la première capable de protéger les femelles macaques d'une infection par voie vaginale.
Depuis un certain temps, ces scientifiques du Dpt. de biologie structurale et bioinformatique de l'UNIGE suivaient la piste d'une protéine anti-sida, qui, quelle que fût la complexité des moyens techniques déployés pour la découvrir, devait être aisée à produire.
(Source : Passerellle unige)
Plus d'info
Des antibiotiques nouveaux qui ne tuent pas les bactéries ?
La deuxième bonne nouvelle est une approche complètement différente de la recherche d'antibiotiques : les désorienter plutôt que les tuer.

En effet , les souches résistantes aux antibiotiques sont de plus en plus un problème sérieux dans les hôpitaux MRSA
Alors que la plupart des antibiotiques visent à tuer ou au moins à empêcher les bactéries de se multiplier, une nouvelle stratégie a été développée par Rasko, David A. et al. (2008) : ils inactivent une voie de signalisation (QseC) par laquelle la bactérie détecte qu'elle est dans son hôte et active alors les gènes de virulence. Inhiber cette voie permettrait d'éviter que la bactérie produise ses effets pathogènes, et ne devrait réduire l'apparition de résistances.
Les antibiotiques forts en langue !
Une troisième bonne nouvelle est une approche complètement nouvelle de la recherche d'antibiotique basée sur une analyse avec des outils linguistique qui explorent des règles générales concernant les relations de proximité entre les mots dans d'immenses corpus de texte. Ces outils appliqués à des séquences d'acides aminés d'antibiotiques connus ont permis de prédire les proximités et éloignements d'a.a. qui seraient efficaces : 42 protéines prédites ont été testées et près de la moitié étaient capables de tuer des bactéries (alors que les mêmes acides aminés dans un autre ordre n'avaient quasi aucun effet). L'une d'entre elles tuait même Staphylococcus aureus la bactérie qui fait peur dans les hôpitaux, et l'agent de bio-terrorisme Bacillus anthracis à de faibles concentrations.
On voit là aussi que la biologie est de plus en plus une science de l'information, et que la question de comment aider les élèves a comprendre cette biologie-là aussi est posée.
Les asticots contre les bactéries résistantes ?
Image source : nature
La quatrième nouvelle est bonne, mais pas très ragoûtante : dans une news de Nature Katherine Sanderson rapporte les recherches sur une thérapie surprenante, voire choquante mais très sérieusement étudiée pour guérir des plaies infectées de bactéries résistantes à nos antibiotiques les plus puissants (Methicillin-Resistant Staphylococcus aureus (MRSA)) voir Bio-tremplin du 22 mai 07
La cinquième bonne nouvelle, selon l'adage "les ennemis de mes ennemis sont mes amis" est la recherche d'un ennemi naturel des bactéries pathogènes, on a ainsi exploré les virus bactériophages ou des bactéries prédatrices (Bdellovibrio ) comme antibiotiques Pearson Helen(2006), surtout contre les biofilms qui sont souvent très difficiles à attaquer.

La fréquence des résistances aux antibiotiques : pas seulement une affaire de lutte moisissures - bactéries !

Une sixième nouvelle est qu'on comprend mieux l'origine des résistances dans l'environnement.
Selon des recherches de Gautam Dantas, rapporté dans une news de Science, par Leslie Mitch les résistances aux antibiotiques ne découleraient pas seulement d'une sorte de guerre entre les décomposeurs dans le sol, mais s'inscrivent dans un ensemble de voies biochimiques parfois même "alimentaires" : ces bactéries utilisent les antibiotiques pour leur métabolisme.

Dans la même veine , une review Martínez José L. (2008) des interactions entre les antibiotiques et leur environnement naturel (non-clinique) explore les conséquences de la libération croissante d'antibiotiques dans l'environnement et des modifications de l'environnement sur les résistances qui reviennent dans notre environnement clinique. Les conséquences sur la santé humaine sont difficiles à prévoir et ces chercheurs insistent sur l'importance des recherches visant a améliore cette compréhension.
Photo Credits Science / M. Sommer and G. Dantas; (inset) photos.com


Plus d'infos sur les antibiotiques
  • On le voit : la recherche fondamentale sur les antibiotiques est tout de même très active : qu'on en juge sur la liste de publications sur le sujet rien que dans les news de Nature qui maintient une liste de liens sur la question des antibiotiques ici Keyword - Antibiotics
Des textes en français ?
La recherche fondamentale : un espoir dans le long terme ?
S'il ne faut pas attendre une solution aux maladies infectieuses dans l'immédiat de ces nombreuses pistes de recherche, (on sait qu'il s'écoule souvent 10-20 ans de la première identification de la molécule au traitement cf. p. ex ici ) il est encourageant de savoir que la recherche fondamentale (où le farfelu qui se révélera génial côtoie le farfelu qui le restera) se poursuit, malgré des pressions pour une recherche toujours plus appliquée aux effets a court termes tellement plus faciles à voir.

Pourtant on sait bien que la recherche appliquée d'aujourd'hui s'appuie sur la fondamentale d'il y a dix, vingt ou trente ans.

Si on n'avait pas fait des recherches sur une obscure bactérie des sources chaudes, on n'aurait pas la Taq Polymérase et la PCR (Kary B. Mullis prix Nobel chimie 1993) ,
Si un chercheur (Osamu Shimomura) n'avait pas exploré par curiosité les jolies fluorescences d'une méduse (Aequorea victoria image animée info ici ) on n'aurait pas la GFP et le prix Nobel de chimie de cette année...

Saurons-nous cultiver cet esprit d'exploration chez nos élèves ?

"Sa grande qualité était l'aptitude à goûter l'étrangeté qui marque l'esprit des véritables chercheurs."
MORRIS, Desmond, 1980, La fête Zoologique, Calmann-Lévy

mardi 11 novembre 2008

Colloque Wright, Exposition Les microbes pour le meilleur et pour le pire

Alors que le colloque Wright s'ouvre la semaine prochaine, avec ce titre inquiétant :
"Grandes épidémies le retour ?" .
Pour aborder un aspect de cette question, il est vrai que les résistances aux antibiotiques s'accroissent, que l'industrie pharmaceutique n'investit guère dans cette voie. Pourtant une bonne nouvelle sort de notre université : l'équipe de Oliver Hartley a mis au point une protéine microbicide et bon marché qui est un espoir pour le traitement du sida, chez les femmes et la poursuite des recherches en vue d'un traitement humain est annoncée cette semaine... Pendant ce temps de nombreuses recherches se poursuivent autour de la question des antibiotiques : quelques pistes récentes et notables seront traitées dans une très prochaine publication des Bio-tremplins.

39 nouvelles maladies depuis 1967
Un rapport de l'OMS à Genève s'alarme que 39 nouveaux agents pathogènes, dont le virus du sida, les virus des fièvres hémorragiques d'Ebola et de Marbourg, le SRAS, ont été identifiés depuis 1967.

Un texte en français pour susciter le questionnement :
A ne pas manquer ... en présence ou depuis chez vous en vidéoconférence !
Le colloque Wright 17-21 novembre la semaine prochaine !

(oui, c'est les examens dans beaucoup d'écoles secondaires ici... changez-vous les idées le soir en écoutant une conférence ? )
Tout concourt aujourd'hui au surgissement de nouvelles épidémies à grande échelle. Les violentes modifications imprimées par l'être humain à l'environnement au cours des deux derniers siècles contribuent en effet à créer un contexte favorable au développement de nouveaux agents pathogènes. Des maladies autrefois jugulées pourraient aussi réapparaître, causées par des microbes résistants aux traitements actuels. Les professionnels de la santé publique, conscients de la situation, envisagent plusieurs scénarios et parades, qui intègrent les résultats des recherches fondamentales et épidémiologiques. Recherches dont les acteurs sont convoqués à l'Université de Genève (UNIGE) par les organisateurs du 13e Colloque Wright, pour faire le point, en public et de manière interactive, sur une question qu'il s'agit de ne pas laisser en proie aux spéculations des esprits alarmistes.
L'entrée est libre à toutes ces présentations, qui auront lieu à 18h30, à Uni Dufour.
On peut suivre les conférences a distance par vidéoconférence et voir un résumé vidéo dès le lendemain 10h
Une Expo remarquable et un accompagnement par un spécialiste pour les classes !

Le colloque est accompagné d'une expo au sous-sol de Uni-Dufour par Patrick Linder, Karl Perron et Candice Yvon de l'UNIGE
Pour ceux qui ne pourront pas venir et pour faire envie d'y aller : une remarquable brochure est disponible ici
N.B: les enseignant-e-s peuvent profiter d'une visite commentée par un spécialiste de l'UNIGE, juste avant la conférence du soir. Pour s'inscrire envoyer un email à bioutils-medecine@unige.ch

mercredi 5 novembre 2008

Les bactéries autrefois ennemi n°1 , hier tolérables , aujourd'hui nécessaires ?

Les bactéries autrefois ennemi n°1, hier tolérables, aujourd'hui nécessaires ?
Source Nature
Autrefois, avec Pasteur qui a jeté les bases de la prophylaxie, promu l'imnportance de l'hygiène personnelle et sociale (cf hygiene-educ) on voyait les bactéries comme l'ennemi n°1 et on cherchait à les éliminer sans distinction. Notamment avec les antibiotiques à large spectre. Et les progrès de santé que l'hygiène a permis ont renforcé cette vision.
Puis on a commencé à en tolérer certaines : par exemple le concept de flore intestinale et les lactoferments - qu'on n'ose pas les appeler bactéries - administrés après un traitement antibiotique me paraissent liés à cette vision.
Depuis peu me semble voir apparaître une vision plus favorable encore où elles sont franchement utiles et même gérées activement dans notre intérêt bien compris.
Une exposition préparée par des chercheurs de l'UniGE en marge du colloque Wright 17-21 Novembre va approfondir ce thème. Voir plus bas.

Un système immunitaire destiné a contrer les "microbes" ou à les gérer ?
Avant qu'intervienne les anticorps, le système immunitaire déploie de nombreuses molécules antimicrobiennes qui ont une efficacité remarquable et apparemment suffisante chez de nombreux organismes qui n'ont que ce système immunitaire inné. (Cf review Michael Zasloff (2002)) Au point qu'on se demande si la complexité de notre système immunitaire n'est pas tant destinée à combattre les agents pathogènes qu'à gérer une tolérance sélective. On en vient a imaginer que nous favorisons certaines variétés utiles, comme une sorte de force de travail bactérien ou presque de symbiose il me semble.

Les bactéries sont en nous !
Source Nature ZEPHYR/SPL
Selon Mullard (2008), les bactéries de notre intestin sont environ 10 trillons (10^10) et pèsent 1.2 kg Abbott (2004) ! ( j'imagine que ce chiffre n'est pas le même pour une minette quasi anorexique et un bon gros client du MacDo ...) Tout de même, elles sont 10 fois plus nombreuses que nos cellule. Sans parler de celles de notre peau, voir plus bas.
  • Mullard, Asher. (2008). Microbiology: The inside story Published online 28 May 2008 | Nature 453, 578-580 | doi:10.1038/453578a
  • Abbott, Alison. (2004) Microbiology: Gut reaction Nature 427, 284-286 (22 January 2004) | doi:10.1038/427284a !

Les bactéries sont dans notre génome ?
Dans le nôtre, pas sûr, mais des chercheurs (Hotopp, J. C. D., et al. (2007))ont trouvé dans le génome de plusieurs insectes et de quelques vers des fragments de plus de 500bases et même le génome entier ( 1 Mb) de la bactérie Wolbachia pipientis.
Bien sûr Wolbachia pipientis est une bactérie un peu spéciale, elle infecte 20 à 75 % des insectes et de nombreux invertébrés. Mais de là à insérer son génome entier dans celui de ses hôtes il y a un pas. Pour Takema Fukatsu ces transferts horizontaux, bien connus chez les bactéries, sont peut-être plus répandus chez les eukaryotes.
Pas sûr que notre génome soit à l'abri. En tous cas notre génome contient de nombreux fragments d'anciens rétrovirus (env 8% de endogenous retroviruses (ERV) selon Lester, Benjamin. (2007)) qui s'y sont insérés dans notre passé évolutif et sont transmis avec nos chromosomes. Et des centaines de gènes d'origine bactérienne résultant probablement de transfert horizontal (International Human Genome Sequencing Consortium 2001)

Les bactéries de chaque intestin seraient différentes
Il semble Pearson, H. (2006a) que les bactéries qui peuplent nos intestins soient acquises à la naissance et restent relativement stables. Cette population serait acquise par le contact avec les populations de bactéries de la mère. Oui vous avez bien deviné... nous parlons des flores intestinales , vaginales et du lait de la mère : le contact avec ces muqueuses ou fèces donne au bébé un premier capital de bactéries qui va ensuite se développer en fonction des autres caractéristiques de l'individu (génétiques, alimentaires, etc.)
source Nature CAMERON/CORBIS
D'ailleurs Pearson, H. (2006b) que le fait de naître par césarienne -dans des condition forcément plus stériles- plutôt que naturellement ne donne pas l'occasion au système immunitaires de développer une tolérance à la flore intestinale et que "le système immunitaire des bébés nés naturellement à une longueur d'avance " Lotz M., et al. (2006)
Cela expliquerait peut-être en partie les réactions différentes de chacun à une nourriture identique.

Des bactéries plus efficaces favorisent l'obésité ?
Selon 2 news de Helen Pearson (2006a et 2006b), des études montrent que les populations de bactéries des gens obèse seraient différentes, notamment la quantité de Methanobrevibacter smithii qui élimine l'hydrogène et permet mieux l'action d'autres bactéries et réduit de ce fait le méthane... flatulent. Ces flores-là convertiraient plus efficacement (40% de plus) les fibres -sinon indigestes- en acides gras absorbables. Cette conversion représente 10% de notre apport calorique. Or même une légère augmentation de l'apport calorique suffit à favoriser l'obésité. Cf Bio-Tremplins Juillet 2007 et Science et Vie en parlait brièvement en février 2007 (intranet.jpg)

Trop d'hygiène serait défavorable ?
On a beaucoup parlé de l'hypothèse hygiéniste (review : Yazdanbakhsh, 2002) selon laquelle une trop grande hygiène dans la petite enfance favoriserait l'apparition d'allergies en privant le système immunitaire d'opportunités de

La encore un choix judicieux de microbes en nous jouent un rôle très nuancé et même franchement positif. (D'accord il semblerait que ce sont plutôt des parasites, protistes et vers qui plus seraient impliqués)

Des bactéries qui préviennent le diabète ?

Source : nature Punchstock
Une étude récente, rapportée par Zelkowitz (2008) dans Science Now et Ledford (2008) dans Nature montre que la présence de bactéries à la petite naissance influence le système immunitaire ( les lymphocytes T sont moins activés) et que cela prévient l'apparition du diabète de type 1 chez des souris. c
Cela renforce ici aussi l'idée que les microbes en nous affectent profondément la manière dont nos organes fonctionnent, dit Margaret McFall-Ngai de l'University of Wisconsin, Madison. Gerard Eberl (2008) dans La Recherche explique que le diabète de type I est une maladie auto-immune où notre système immunitaire attaque les cellules qui devraient fabriquer l'insuline. Les bactéries réguleraient l'équilibre entre le volet inflammatoire et le volet régulateur.
Dans la même veine, Mazmanian, et al (2008) dit - a propos de la maladie inflammatoire de l'intestin que certaines molécules produites par nos bactéries pourraient faire la différence entre la santé et la maladie,

Plus de bactéries sous la peau ?

Une étude récente rapportée par Pennisi, Elizabeth. (2008) explore la diversité des bactéries à divers endroits de la peau, et a par exemple découvert que nous avons plus de bactéries sous la peau 1 million par cm2 qu'à la surface : 10'000/cm2 .
  • Pennisi, Elizabeth. (2008). Bacteria Are Picky About Their Homes on Human Skin Science 23 May 2008: Vol. 320. no. 5879, p. 1001 DOI: 10.1126/science.320.5879.1001

Explorer la richesse en nous : le projet microbiome.
Source Projet HMP
Un grand projet : Human Microbiome Project (HMP) , dans le prolongement du projet génome humain, vise a comprendre les interactions entre ces microbes en nous et avec nous.
  • Peter J. Turnbaugh, et al. . Gordon1(2007) The Human Microbiome Project Nature 449, 804-810 (18 October 2007) | doi:10.1038/nature06244; Published online 17 October 2007

A l'occasion du 13e Colloque Wright , les « Grandes épidémies », le professeur Linder et le docteur Perron des Facultés de médecine et des sciences de l'UNIGE et Madame Yvon de la Passerelle de l'UNIGE ont réalisé une exposition grand public sur le thème de la microbiologie. En 12 panneaux largement illustrés, ils nous emmènent à la découverte des microbes, ces organismes invisibles à l'¦il nu qui nous habitent et nous entourent.
On y découvre leur extrême diversité et leur omniprésence dans notre environnement. Malgré leur mauvaise réputation, on apprend que l'immense majorité des microbes est essentielle à l'équilibre des écosystèmes et nous rend de nombreux services. Néanmoins quelques-uns d'entre eux sont indésirables et causent des maladies pouvant être fatales. De nombreuses stratégies d'attaques ont été développées par l'homme pour lutter contre ces micro-organismes mais certains résistent. Certains de ces indésirables, très présents dans les médias, sont mis en lumière (grippe, HIV).

Cette exposition s'accompagne d'une brochure qui permet d'aller plus loin dans la compréhension de la microbiologie. Celle-ci complète chaque panneau de l'exposition par un texte explicatif visant à la fois à approfondir certains concepts scientifiques et à donner quelques exemples concrets de recherches menées dans l'arc lémanique. Cette brochure sera à disposition sur le lieu de l'exposition.

17-21 novembre
Uni Dufour, sous sol
Tout public.


La diversité des organismes étrangers comme une richesse plutôt qu'un problème ?
Ainsi nos populations de bactéries sont finalement - plutôt qu'un problème - une richesse en nous que notre système immunitaire apprend à gérer avec finesse pour optimiser notre santé... ?

Peut-être que la réflexion sur les problématiques d'intégration pourrait s'inspirer de la manière dont notre organisme gère sa population étrangère ?