jeudi 26 mars 2009

Petit cerveau mais bien dans sa vie !

L'étonnante plasticité du cerveau

Durant la semaine du cerveau, lors d'une visite au laboratoire de Pr. Vuilleumier, Yann Cojan a permis aux élèves de manipuler des images d'IRMf et une discussion s'en est suivi. Parlant de la plasticité du cerveau, il a mentionné un cas étonnant d'un homme vivant à Marseille qui lors d'un contrôle presque de routine s'est avéré avoir une énorme cavité remplie de liquide céphalorachidien : le crâne paraissait quasi-vide il ne lui restait presque plus qu'une bande tapissant l'intérieur du crâne. Et cet homme vivait une vie normale !

Retrouver l'article d'origine ?

Nous avons la chance qu'en biosciences tous les articles soient indexés sur PubMed et donc aisés à trouver et accessibles au moins jusqu'à l'abstract et souvent jusqu'au texte complet. Une première recherche avec Google a repéré quelques articles généraux (p. ex. dans Le figaro) qui m'ont donné le nom de l'auteur (Feuillet et la publication : The Lancet en anglais donc) J'ai alors un peu fouillé Pubmed et avec "Feuillet" et "Brain" et trouvé l'article (Feuillet et al 2007) avec des images saisissantes (ici) (fig1). Pour comparer j'ai été chercher dans un site qui permet de voir toutes les tranches d'un encéphale par IRMa The whole brain atlas et j'ai cherché à y trouver les plans de coupe présentant les images équivalentes pour un sujet normal. Vous jugerez
Massive ventricular enlargement in a patient with normal social functioning
Fig 1 : Un cerveau très réduit chez un individu menant une vie sociale normale (img Source Feuillet, L. , et al. 2007 ) Pour comparaison à droite : cerveau normal d'après Whole Brain atlas adapté. LV : ventricules latéraux remplis de liquide céphalo-rachidien(img)

Hydrocéphalie

Il s'agit d'un cas d'hydrocéphalie : une accumulation du liquide cépahlorachidien (LCR) dans les ventricules cérébraux, les espaces creux dans l'encéphale. Ces espaces normalement petits et presque difficiles à observer sont devenus immenses chez cette personne. Agé de 44 ans il n'avait plus consulté depuis l'age de 20ans pour son hydrocéphalie et lentement le LCR a du repousser à la marge les structures cérébrales. Sans doute que la très lente augmentation des ventricules a permis une adaptation progressive des fonctions dans les zones qui restaient fonctionnelles (la plasticité). Ce qui est incroyable aux yeux des spécialistes comme du béotien est que cet homme menait une vie sociale normale : un emploi, une famille, etc. L'auteur le dit avec la réserve prudente des scientifiques "Massive ventricular enlargement, in a patient with normal social functioning ". D'accord, il n'avait pas un QI particulièrement élevé (environ 75 d'après les tests faits à l'hôpital) mais on sait - et cet exemple le prouve particulièrement bien – le QI n'est pas la mesure définitive et complète des capacités mentales... Etait-il plus heureux comme Daniel Keyes dans Des fleurs pour algernon le suggère ? Est-il un employé plus fiable que d'autres ? La discrétion veut qu'on n'aille pas l'embêter avec ce genre de questions. En tous cas on lui a posé un drain qui devrait réduire la pression du LCR et améliorer son état.

D'autres cas de plasticité cérébrale pour répondre aux questions des élèves "qu'est-ce qui se passe si...?"

Les images qu'on obtient en cherchant sur le web sous hydrocéphalie m'ont paru inopportunes ici, à la limite d'un voyeurisme malsain des "monstres" comme on disait autrefois : le film Elephant man (David Lynch 1980) pose bien ce problème et montre bien le risque de la dérive en "cas intéressant pour congrès de spécialistes" ou en phénomène de foire. Un site à l'unige aborde la question sous un angle plus scientifique : NEUROCLUB "fondé en 1999 par le Prof. Jozsef Zoltan Kiss et deux étudiants, Raffaele Renella et Marc-Olivier Sauvain pour stimuler et aider les étudiants curieux et motivés dans leur découverte des Neurosciences " On y trouve une page avec d'autres cas de plasticité remarquables et - il me semble sans tomber dans le voyeurisme - permet de répondre -un peu - aux questions des élèves :

  • Le cas d'une personne qui a vécu des années avec un crayon dans le crâne,

  • Le Cas de Phineas GageLe cas célèbre de ce contremaitre du nom de Phineas Gage qui a eu en 1848 son crâne traversé par une barre à mines et qui a récupéré presque complètement, mais dont le caractère s'est fortement altéré pour devenir peu responsable et imprévisible. Damasio a bien étudié ce cas dans "L'Erreur de Descartes", (1995) par ailleurs excellent et très lisible. Damasio y met en évidence le rôle de du cortex préfrontal comme un centre de régulation des émotions et de décision raisonnables.

Finalement ces cas mettent en évidence la plasticité – chez certains au moins – considérable de notre cerveau. Sans doute que la visibilité de ces cas cache de (très?) nombreux cas où la situation a évolué beaucoup moins bien et cela incite à être prudent avant de généraliser ces facultés de récupération. En effet, dans la vie de tous les jours, on croise des gens qui semblent très souples dans la tête et d'autres plus psychorigides. : ))

References :

  • Feuillet, L., Dufour, H. & Pelletier, J., et al.Brain of a white-collar worker. Lancet 370, 262 (2007). (Abstract) |doi:10.1016/S0140-6736(07)61127-1
  • Antonio Damasio, L'Erreur de Descartes, Ed. Odile Jacob, 1995.
Un texte en français pour stimuler le questionnement sur la plasticité cérébrale.

mardi 24 mars 2009

Tete-a-Tetes de Sciences Moleculaires 2009

Tete-a-Tetes de Sciences Moleculaires 2009

La Section de chimie et biochimie a grand plaisir a vous convier a son cycle de conferences publiques et pour enseignant-e-s en sciences:

"Tete-a-Tetes de Sciences Moleculaires"
Mercredi 8 avril 2009, de 16h a 17h30, Auditoire A150, Sciences II

Au programme de cette annee:
- Dr Thierry Soldati, Departement de biochimie:
"Tout comprendre sur la phagocytose... les amibes a la rescousse!"
- Dr Hans Hagemann, Departement de chimie physique:
"L'hydrogene et son stockage, grands espoirs energetiques?"
Les conferences seront suivies d'un aperitif-discussion.

Je vous saurai gre de bien vouloir diffuser cette information aupres de vos eleves interesse-e-s par les aspects de la recherche moderne abordes sous un angle accessible et convivial, ainsi qu'aupres de vos collegues.

Le programme de cette rencontre, en annexe, mentionne egalement l'apres-midi de formation continue, "de l'Auditoire au Pupitre", que nous organisons a votre attention le mercredi 18 novembre 2009.

Dans l'attente de vous rencontrer tout prochainement et en restant a votre disposition pour toute information supplementaire, je vous adresse mes plus cordiales salutations,
didier


Dr Didier PERRET
Conseiller aux étudiants (MA+JE 09:00-13:00)
Chargé de communication
didier.perret@unige.ch
info-chimie@unige.ch (pour les questions relatives à la Section)
webmaster-chimie@unige.ch (pour les questions relatives au site web)
http://www.unige.ch/sciences/chimie/
http://www.unige.ch/sciences/chimie/?enseignants/perret_fr.php

samedi 14 mars 2009

ENVIE …D’ETERNITE ? Café scientifique, le LUNDI 30 MARS

Café scientifique, le LUNDI 30 MARS 2009 à 18h30
Musée d'histoire des sciences (dans le Parc de la Perle du lac)
Trams 13 et 15, arrêt Butini / Bus 1, arrêt Sécheron, Parking adjacent.
ENTREE LIBRE

ENVIE …D'ETERNITE?

Lundi 30 Mars 2009 à 18h30



Le besoin d'éternité est sans aucun doute aussi vieux que l'humanité. Prolonger la vie dans l'au-delà, lutter contre le vieillissement, se cloner pour perpétuer son même, vendre son âme au diable pour bénéficier d'une jeunesse éternelle, laisser une œuvre, qu'elle soit artistique, scientifique, industrielle, humanitaire, etc., telles sont, en vrac, quelques unes des multiples tentatives inventées par les humains pour enrayer la course inexorable du temps. Pourquoi ce besoin ? Pourquoi avons nous tant de mal avec la fatalité de la fin ? Est-ce que le besoin d'éternité ne serait-il pas tout simplement la manifestation « d'un instinct de vie » sans lequel il n'y aurait pas de raison de vivre ?

Avec notamment la participation de :

M. Serge BIMPAGE, écrivain

M. Sylvain THEVOZ, théologien

Mme Sylvie DETHIOLLAZ, biologiste, spécialiste des expériences de mort rapprochée

sous réserve:

M. Marc MISSOTTENT, biologiste, spécialiste de la mort cellulaire.

Animation:

M. Ninian VAN BLYENBURGH, anthropologue


Plus d'informations sur l'activité de Bancs publics sur notre site Site internet http://www.bancspublics.ch

Semaine du cerveau II ...lire dans nos pensées

La semaine du cerveau s'ouvre - pour les lecteurs des Bio-tremplins qui sont à Genève - ce lundi 16 mars.

S'il faut en choisir une ...

Parmi toutes les conférences excellentes celle de mercredi est particulièrement troublante, car elle met en évidence combien la limite entre la pensée et la matérialité est bousculée par des techniques qui menacent de pénétrer ce que nous avons de plus intime : la pensée.

Lire dans les pensées mercredi 18 mars - 19h

Uni Dufour (24 rue Général-Dufour, Genève)
Auditoire Piaget (U600, sous-sol)

Demain, les nouvelles méthodes de neuroimagerie permettront peut-être le décodage de la pensée.
Quel serait l'impact d’une telle percée sur notre société?


Intervenants:
Patrik Vuilleumier (neurologue, UNIGE),
Sara Gonzales Andino (physicienne, HUG),
Alex Mauron (éthicien, UNIGE)
Modérateur: Emmanuel Gripon

Pour se préparer à une conférence comme celle-là, voici quelques pistes.

prédiction de la reconnaissance d'un motSavoir à quel mot pense un sujet

On a pu prédire Mitchell, Tom M. et al. (2008) quel nom parmi des milliers et sans qu'on l'ait enregisté aurparavant dans l'IRMf, pensait un sujet dans le scanner IRMf, (cf à droite : image source Mitchell, Tom M. et al. (2008).).
Ils ont ainsi pu extraire d'un corpus de milliers de mots des caractéristiques sémantiques qu'ils ont pu associer à des motifs particuliers d'activation du cerveau sur de nombreux mots et peuvent ensuite prédire quel nom (concret) était vu à partir du motif activé. et ce avec une précision de 77%.

Savoir quelle image le sujet regarde


image reconnuesOn avait aussi pu déterminer quelle image regardait un sujet,

Comprendre l'effet placebo

On a pu déterminer si l'effet placebo était une diminution de la sensation de douleur, un traitement de la douleur ou une moindre expression de la douleur.
La liste pourrait être très longue, ce n'est qu'une petite sélection !

Potentiels et enjeux :

Techniques d'IRMf

dimanche 8 mars 2009

SIDA et peste; la science trébuche et progresse

Pourquoi ~10% des descendants d'européens sont-ils protégés du SIDA ?


On sait (Stephens, J. C. et al. 1998) que jusqu'à 14% des européens sont porteurs d'une mutation qui les rend résisatant ou moins semsibles au SIDA parce que le co-récepteur CCR5 ( C-C chemokine receptor type 5) est muté. CCR5 est situé sur les lymphocytes (et macrophages) et sa fonction 'normale' est d'être un récepteur pour des chemokines, mais il forme aussi le point d'entrée pour le virus HIV. La raison de cette étonnante fréquence est ses possibles applications médicales suscite bien des réflexions...

La protéine CCR5 ?

On la trouve :

L'allèle Δ32

Il s'agit d'une délétion de 32 bases (d'où son nom de Δ32). Comme il ne s'agit pas d'un multiple de 3, cette délétion conduit à un décalage de phase de lecture (frameshift) et à une protéine CCR5 tronquée et non-fonctionnelle. L'apparition de cette mutation a été estimée vers -2500 ans BP (Before Present : il y a x années plutôt que des années avant J.C.)
La mutation Δ32 ne se trouve pas dans UniProt dans la fiche pour CCR5 car UniProtKB ne recense pas les mutations conduisant à des protéines tronquées. Or cette mutation ne produit justement plus de protéine, ... donc pour trouver plus d'information, il faut chercher le lien vers la base de données OMIM qui recense les informations pour les maladies...

Comment le CCR5 est nécessaire au VIH

CD4 and CCR5 binding sites on HIV gp120
Fig. 1: Schéma de l'interaction entre le virus -notamment la protéine GP120 et les récepteurs du lymphocyte CD4 et CCR5
Source : DeFranco, Anthony L et al. (2007) The Immune Response in Infectious and Inflammatory Disease, New Science Press


"Après avoir accosté le récepteur CD4 [...], le VIH a besoin d'un second récepteur du macrophage, CCR5, pour traverser la membrane cellulaire. Après son union à CD4, gpl20 change de conformation, permettant son union à CCR5. [...]le second récepteur fait passer le complexe gpl20-CD4 à travers la membrane cellulaire, déclenchant le passage du contenu du virus dans la cellule " Raven p. 536 En effet cette interaction promeut la fusion entre la membrane du virus et celle de la cellule. Comme deux bulles de savons.

C'est d'ailleurs le blocage de ce même récepteur CCR5 qui est visé par la protéine PSC RANTES développée à l'UniGE par O. Hartley. cf (Bio-Tremplins 12 novembre 08)
Par aeilleurs, il apparait qu'on peut parfaitement vivre sans cette protéine.

Environ 10% des descendants d'européens protégés du SIDA ?

Selon (Janeway) la fréquence de l'allèle Δ32 est de 0.09 des Caucasiens (euphémisme américain pour blancs d'origine européenne) Cela signifie que 10% sont hétérozygotes (résistent 2-3 ans au SIDA) et environ 1% sont homozygotes (résistent au SIDA indéfiniment). "...homozygous individuals had nearly complete resistance to HIV-1 infection despite repeated exposure, and HIV-1 infected heterozygotes for the mutation delay the onset of acquired immunodeficiency syndrome (AIDS) 2–3 years longer than do CCR5-+/+ " (Stephens, J. C. et al. 1998)
On n'a pas trouvé cet allèle ailleurs. Cette étonnante différence régionale a suscité pas mal de réflexions.
Et évidemment on pense à une forte sélection, des conditions où cette mutation donné un fort avantage, ou plutôt aurait protégé les porteurs d'un sévère désavantage.

L'hypothèse de la peste noire du Moyen-Âge

Une recherche publiée en 1998 (Stephens, J. C. et al. 1998) avait calculé l'origine de cet évènement de sélection il y a environ 700 ans (entre 275–1,875) sur la base du "déséquilibre de linkage entre CCR5 et deux loci de microsatellites et à l'aide de la théorie de la coalescence". (Franchement je ne suis pas sûr d'avoir compris cela, mais je crois que je peux vivre avec et il me parait important en 2009 de savoir limiter ses recherches sous peine d'exploser). Ils ont proposé que la peste soit la cause de cette sélection. On sait que l'agent de la peste Yersinia pestis attaque les macrophages qui expriment aussi CCR5. En effet la grande peste noire a tué près de 40% des Européens entre 1347 et 1350 ! Hopkin, Michael. (2005). Il faut noter qu'on parle de la sélection d'une mutation pré-existante, car l'apparition de la mutation est bien plus ancienne : 2500 ans.
En fait ils étaient plus prudents : "are consistent with a historic strong selective event (e.g., an epidemic of a pathogen that, like HIV-1, utilizes CCR5), driving its frequency upward in ancestral Caucasian populations."

En français :

Utilisé comme exemple dans l'éducation

deme 2.0Une simulation éducative présentée à BioEd09 - d'ailleurs remarquable - prenait ce cas comme exemple : Deme 2.0 de Tony Weisstein, à la Truman State University : il concluait son exposé en disant : dommage que ce si bel exemple ne soit plus utilisable, mais c'est ainsi que la science avance !
Cette simulation de génétique des population pour un gène et deux allèles est cependant utilisable avec d'autres exemples et tourne avec les tableurs habituels comme OpenOffice Calc (.xls) et reste remarquablement intéressante. Excellent pour mettre en évidence la dérive génétique.

Mais en fait ... ce n'est peut-être pas la peste !

Sans vraiment prétendre faire une analyse historique complète, voyons quelques étapes du cheminement de cette idée.
Une première remise en question assez fondamentale apparaît en 2004 Mecsas, J. et al (2004) ils ont essayé devoir si d'être CCR5déficient pouvait protéger de Yersini pestis et ont conclu avec un non prudent "our results indicate that CCR5 deficiency in people is unlikely to protect against plague." D'autres Elvin, S. J., et al. (2004). ont cependant contesté ces conclusions en montrant que la mutation limite quand même l'entrée de Yersinia pestis dans les macrophages "we did find that there was a significantly reduced uptake of Y. pestis by Ccr5-deficient "

Deaths from plague in the Middle Ages may have left more people with a gene that guards against HIV.

Figure 2 à droite : la peste noire a fait des millions de morts en Europe Source nature news;
Cette hypothèse était si belle et convaincante qu'on l'a largement répercutée, discutée, et fait l'objet de nombreuses publications (pubmed recense 17 publications pour "CCR5 plague"et 14 publications pour "CCR5 yersinia"

Dans une news de nature Hopkin, Michael. (2005) présente 2 théories :
1) L'hypothèse selon laquelle la peste noire serait en fait virale et non pas causé par la bactérie Yersinia pestis et la transmission virale expliquerait alors bien la sélection de CCR5 et la fréquence de la mutation CCR5-Δ32 plus importante en Scandinavie et en Russie où l'on sait que la peste a sévi plus longtemps et plus tard.
2) L'autre hypothèse est celle que le virus de la variole aurait sélectionné l'allèle CCR5-Δ32 Galvani A. P. et al. (2005). "we find that smallpox is more consistent with this historical role".
Dans les 2 cas la sélection résulterait d'un agent pathogène viral. Mais des chercheurs français Raoult, D., et al. (2000) avaient confirmé Yersinia pestis comme agent de la peste noire (La Recherche)

Enfin des résultats plus récents (Hummel, S. et al. 2005) mettent en doute la date de l'évènement de sélection puisqu'on a trouvé (par PCR) CCR5-Δ32 dans des squelettes datant de l'age du bronze (2900ans BP) tirés de divers sites européens. De plus la fréquence de l'allèle CCR5-Δ32 n'était pas différente chez les victimes de la peste du 14ème comparés à un groupe de contrôle. Ces résultats indiquent que la mutation était déjà fréquente dans les populations européennes préhistoriques et sont un argument contre la peste comme force majeure de sélection.
Il semble donc -prudemment - que la trop belle hypothèse ait fait long feu, ... et qu'il reste donc une explication à trouver, un challenge pour nos élèves !

La science trébuche mais progresse

Cet exemple montre finalement comment la science avance : de manière assez hésitante par allers et retours, pas seulement rationnellement, mais aussi en fonction comme ici de la fascination que certaines idées exercent. Mais arrive à la longue à une assez bonne certitude, jamais une vérité définitive : s'il semble que l'hypothèse de la peste est devenue assez faible, elle ne peut être écartée complètement. L'algorithme converge diront les gens du traitement de l'information.

Travailler sur des hypothèses pas des vérités

On voit aussi combien il est prudent d'enseigner la science en termes d'hypothèses et non de vérités. Si on a cédé aux sirènes des certitudes et parlé de la peste comme LA cause de cette résistance au VIH SIDA chez les européens, on est bien embêté... Si on en a parlé comme d'une hypothèse, on est très à l'aise pour dire que cette hypothèse n'a pas tenu face à l'apparition de nouvelles données et est bien moins probable actuellement.

Une pré-adaptation

C'est aussi intéressant de voir que cette mutation existait chez nos ancêtres bien avant l'apparition du SIDA. Mais personne ne l'avait repérée. Si le SIDA était apparu bien avant la science actuelle, ces gens-là auraient été presque les seuls survivants et la population humaine serait peut-être repartie depuis leurs descendants... Avec le recul on aurait dit : l'espèce s'est adaptée ! Comme si cette évolution avait été l'effet d'une intention !
Cet exemple illustre bien comment la sélection de changements - souvent invisibles avant- est le moteurs de l'évolution et donne l'illusion que les changements des organismes sont induits par le milieu.

Grâce à la science nous comprenons ce qui se passe !

On peut aussi se réjouir que la science -notamment la recherche en biologie - soit capables de comprendre ce qui se passe et permette à la médecine et aux organismes de prévention et finalement aux citoyens de ne pas seulement subir.
Nous savons aussi que ce n'est pas une malédiciton et que le préservatif protège et selon www.ciao.ch : le site d'info pour les ados "Ne sortez pas sans être couvert ! "
Nous pouvons faire vivre les sidéens avec des traitements - très lourds sans doute - mais ils peuvent vivre.
Cette résistance issue du CCR5 a évidemment suscité de nombreuses recherches pour tenter de trouver un traitement dont voici juste un aperçu !

Un traitement du SIDA possible ?

Certains ont essayé avec des ARN interférents de bloquer l'expression du CCR5 avec des ARN interférents : siRNAs (Sands, Tim, 2008) ils ont obtenu une protection significative contre l'infection des lymphocytes par le HIV-1.
Plus enthousiasmant encore dans un article du New England Journal of Medicine (NEJM) Hutter, G., et al. (2009). On peut actuellement confirmer qu'un sidéen greffé de la moelle dont le donneur était homozygote pour la mutation Delta-32 n'a toujours pas de HIV détectable, 20 mois après la greffe et est donc sans doute guéri du SIDA. Les cellules souches du donneur ont produit des Globules blancs sans CCR5 et donc insensibles au HIV. On peut désormais envisager une forme de thérapie génique contre le SIDA !
C'est évidemment un énorme espoir ! Soyons tout de même prudents en communiquant à ceux qui sont concernés ; le chemin depuis un espoir en recherche jusqu'au traitement est souvent long et semé d'embûches. (Cf De la recherche au médicament)

Souhaitons que ce résultat puisse se traduire en un traitement plus rapidement puisqu'il s'est révélé chez l'homme et donc saute une partie des étapes de ce processus.

Sources

Remerciements :
Merci à Tony Weisstein pour son exposé à BioEd09 qui a inspiré cette publication, à Michel Strubin et Marie-Claude Blatter pour leur précieux commentaires.