samedi 28 novembre 2009

H1N1 pourquoi une telle inquiétude du vaccin ?

Un précédent Bio-Tremplins (8nov. 09) déjà plutôt long, n'avait pas abordé la question des risques du vaccin, ni les enjeux économico-politiques... ont regretté certains. Y a-t-il des accords ou des convergences d'intérêt de l'OMS avec les Pharma' ? S'agit-il du grand retour de la paranoïa et la peur du vaccin révèle-t-elle une société angoissée ? Je ne tenterai pas de déterminer si l'industrie pharmaceutique a manipulé les grandes organisations comme l'OMS ni si les autorités sanitaires ont effectivement fait de leur mieux dans la diffusion du vaccin ; je ne suis guère compétent sur ces questions et ne me lancerai donc pas dans des spéculations. Je vais tenter de présenter quelques réflexions qui aideront à mettre en perspective comment le danger se compose des probabilités et des conséquences, discuterai comment ils sont perçus, puis présenterai une illustration très parlante des probabilités liées au vaccin et rapporterai quelques données nouvelles sur la transmission du virus et les effets possibles de la vaccination.

Pourquoi tant de gens ont-ils peur du vaccin ?

 Nous avons vu dans la précédente bio-tremplins avec la spécialiste Claire-Anne Siegrist qu'une méconnaissance des dimensions épidémiologique et évolutive pouvait expliquer que des gens en bonne santé ne voient pas qu'en se vaccinant ils évitent des morts chez les personnes les plus vulnérables. Et qu'ils réduisent en se vaccinant le risque d'une recombinaison H5N1 – tueuse mais peu contagieuse – avec H1N1 – contagieuse mais peu tueuse – qui pourrait causer une épidémie catastrophique. Bio-Tremplins (8nov. 09) Pourtant de nombreuses personnes très raisonnables semblent craindre la vaccination. Constater que notre société est très individualiste n'épuise sans doute pas le débat. Mentionner que les médias ont intérêt à verser dans le sensationnalisme et l'émotionnel ne suffit pas non plus. Oui la caméra qui insiste douloureusement sur les enfants autistes dans "Silence on vaccine" et cela convainc sans doute plus que l'absence de preuves qu'ils apportent du lien entre ces maladies et la vaccination. C'est regrettable mais ce n'est pas une surprise pour ceux qui ont un peu de sens critique...

Les risques nouveaux sont plus inquiétants

Il y a sans doute des raisons psychologiques : il semble qu'un risque nouveau (les ondes des téléphones, l'antimatière produite au CERN, les vaccins,...) soit généralement considéré comme plus grave qu'un risque bien connu (le tabac, la grippe,...) qui est perçu comme moins grave. De plus un risque clairement mesuré pourrait être moins angoissant qu'un risque mal identifié, indéfini, difficile à cerner, comme celui associé au vaccin. (Slovic, P.,et al.,1980 )

L'attitude face aux risques : plus les accidents sont rares moins ils sont acceptés

Pour Amalberti, R. (2007). La Recherche, Dossier Sciences à risque, plus les accidents sont rares moins ils sont acceptés. Son analyse révèle trois phases pour un système sociotechnique et je pense que cela s'applique a celui de notre santé : la phase héroïque, celle de l'espoir et celle de la justification : nous serions entrés dans cette 3ème phase phase centrée sur la sécurité où les accidents sont devenus très rares, mais très mal acceptés.
Fig. 1 : les trois phases : héroïque, de l'espoir et de la justification d'un système socio-technique [imgintranet] Source :Amalberti, R. (2007)

La perception des risques : peu en phase avec la réalité

Selon Boy, Daniel. (2007) dans le même dossier de La Recherche, (extraits intranet.pdf) la perception des risques est très peu en phase avec la réalité des risques. On y apprend que les risques dépendant de sa propre action sont minimisés par rapport à ceux subis, et que la confiance qu'à le public envers les acteurs est liée à la perception de leur compétence et à leur indépendance : s'ils agissent pour leur propre intérêt.

Fig. 3 : La perception des risques est très peu en phase avec la réalité des risques. [img] source : Boy, Daniel. (2007)

Sans être naif et imaginer qu'il n'y ait aucun lien entre ces acteurs, il est donc important de distinguer les scientifiques qui font de la recherche et qui vivent de leur publications, des entreprises pharmaceutiques qui ont des intérêts économiques clairement assumés. Il me semble que souvent ils sont amalgamés et cela ne facilite pas le débat.

Un dilemme moral

Choisir de se vacciner ou de faire vacciner ses enfants pour eux mais aussi pour sauver des proches peut être vu comme une variante d'un dilemme moral classique. Prendre le risque de faire activement (même très peu) du mal est beaucoup plus difficile que ne rien faire et prendre le risque -même beaucoup plus grand - de causer du mal
A) Vous pouvez sauver la vie de 4 personnes en actionnant l'aiguillage qui déviera un train de sa course vers une autre voie où le train tuera une personne. Le feriez-vous? B) Vous pouvez sauver la vie de 4 personnes en poussant une autre personne – très lourde - sur les voies ce qui arrêtera le train, mais tuera cette personne. Le feriez-vous ?
La plupart des gens diront oui a A) et non à B). Rationnellement, ces 2 situation sont identiques, mais avec B) il s'agit d'une action bien plus directe (pousser une personne) qui implique plus le sujet. Ce dilemme est illustré dans Science et vie junior d'octobre 09: Buon, Marine (2009) img intranet et est exploré par IRMf par Greene, J. D., (2001)

Fig 4 : le dilemme moral de l'aiguilleur source : Buon, Marine (2009) [img]


On peut se demander si la protection très claire de son enfant que représente le fait de se vacciner nous touche moins que le risque que peut-être la vaccin va causer du tort à son enfant. La douleur que nous percevons en nous serait plus indirecte... (Cf aussi Biotremplins La douleur de l'autre est en nous 27 II 08) Et le flou sur les risques du vaccin augmente encore le deuxième terme de la décision ... et si c'était grave quand même ?

Des liens pour se faire une idée sur les probabilités et conséquences de ces risques...

L'analyse des ces résultats et de nombreux sites internet montre qu'il reste un doute chez certains. Forcément "Ce qui n'est pas entouré d'incertitudes ne peut pas être la vérité" Richard Feynmann.(2006 ). On sait que le sel de cuisine ne passerait pas les tests de sécurité actuelle car un surdosage peut tuer et que son excès cause des milliers de morts en favorisant l'hypertension. Si on réfléchit, il est impossible de prouver l'innocuité de quoi que ce soit. Il restera toujours la probabitlité que ce qu'on n'a pas encore testé soit dangereux. Il faudrait une infinité de tests. Reste donc un minuscule doute. Ce flou augmente l'effet inquiétant. Une approche rationnelle a donc peu de chances d'améliorer les choses puisqu'elle va forcément discuter des effets potentiels qui même ou surtout infimes sont angoissants on l'a vu plus haut.

Le danger est le produit du danger par les conséquences

Is the H1N1 Swine Flu Vaccine Safe?,November 25, 2009,,Some frequent questions about the H1N1 Swine Flu vaccine answered as clearly and as visually as I could manage. A few people asked for this so I thought I would oblige.,,It was hell on earth to research. There’s a jungle of science around H1N1. Very hard to hack through. You can check all my sources here.

Dans la norme française NF EN 1441, le danger qu'ils appellent risque est défini ainsi : « Combinaison de la conséquence (niveau de sévérité ou degré de gravité) d'un évènement redouté (provoquant un danger) et de sa probabilité d'occurrence.» Ainsi :

Danger = conséquences redoutées x probabilité qu'elles se produisent
Il est très intéressant de noter que dans les discussions citées plus haut les uns parlent du risque en insistant sur la probabilité (très faible) et les autres sur les conséquences (très graves). Ainsi les uns comme les autres ne traitent pas vraiment du danger de manière complète...

Visualiser les probabilités pour mieux décider ?

Un spécialiste de la visualisation a choisi les probabilités d'effets secondaire du vaccin comme thème de son Blog : information is beautiful
Fig. 5 :[img] Visualisation des risques d'attraper la grippe, idem si on a des enfants, d'être hospitalisé et d'en mourir (ligne du haut), d'attrapper la grippe H1N1 d'être hospitalisé et d'en mourir (ligne du milieu), d'avoir des effets secondaire avec le vaccin : point en bas a droite (1 sur un million). [img] source : Blog Information is beautiful
Il n'est pas certain qu'une visualisation comme celle-là suffise a rassurer les angoisses, puisque on voudrait un risque zéro et que le point en bas à droite de l'image existe. L'incertitude sur la valeur de ce point est une réalité scientifique : aucun scientifique sérieux ne donnerait ce chiffre sans une fourchette d'erreur... sans doute considérable. Aussi la visualisation choisie, plus claire et parlante est aussi moins scientifique. La science est par définition faite d'hypothèses courantes, que de nouvelles donnés vont affiner progressivement. Mais le public veut des vérités simples...
Fig. 6 à Droite : Un graphiste a pris la peine de traduire en images les principales probabilités sur la grippe et la vaccination : cliquer pour agrandir [img]Source : InformationIsbeautifulnet

Les valeurs d'infectiosité de H1N1 un peu précisées ...

Un article de Science Yang, Y., et al. (2009) extraits intranet.pdf estime sur la base de nouvelles données (été 09) le R0 de H1N1(soit le nombre de personnes qu'infecte un malade en moyenne cf Bio-Tremplins du 8nov. 09 ) dans la fourchette de 1.3 -1.7 et calcule combien la vaccination pourrait être efficace : comparée avec la ligne noire sans vaccination, avec un taux de vaccination dès 30 - 50% avec ces valeurs de R0, courbe verte et bleue on voit que l'épidémie ne décolle pas vraiment. Fig. 4 Simulated effect of prevaccination with a homologously and a heterologously matched pandemic influenza vaccine at different values of R0 and coverage for the United States. (A) Overall illness attack rates for homologous vaccine. Lines indicate the average illness attack rate over five simulations of Los Angeles County for each value of R0 with the vaccine efficacies summarized in table S9. The 95% error bars indicate the empirical confidence intervals for 100 simulations where the vaccine efficacy parameters are chosen randomly within 15% of their estimated values. (B) Epidemic curves at R0 = 1.6 with homologous vaccine. (C) Overall illness attack rates with a heterologous vaccine and 95% error bars indicating the empirical confidence intervals when varying the vaccine efficacy parameters. (D) Epidemic curves at R0 = 1.6 with heterologous vaccine.,,
Fig. 4 A) Comparée avec la ligne noire sans vaccination, un taux de vaccination dès 30 - 50% courbe verte et bleue empêche que l'épidémie ne décolle vraiment.
Simulated effect of prevaccination with a homologously and a heterologously matched pandemic influenza vaccine at different values of R0 and coverage for the United States. (A) Overall illness attack rates for homologous vaccine. Lines indicate the average illness attack rate over five simulations of Los Angeles County for each value of R0 with the vaccine efficacies summarized in table S9. The 95% error bars indicate the empirical confidence intervals for 100 simulations where the vaccine efficacy parameters are chosen randomly within 15% of their esti
m>ated values. [img]Source : Science Yang, Y., et al. (2009) extraits intranet.pdf
Cet article est aussi une mine informations qui permettent de discuter sérieusement, et en connaissance des marges d'erreurs. Par exemple "Our preliminary estimate of R0 from 1.3 to 1.7 is consistent with pandemic spread causing illness in 25% to 39% of the world’s population over a 1-year period" Ils prédisent en termes prudents que la maladie pourrait toucher 25 à 39% de la population mondiale d'ici un an.
Espérons qu'ils se trompent, j'ai aussi des proches dans les groupes à risque... Et la disponibilité du vaccin pour la majorité est bien tard à se concrétiser...

Sources

dimanche 22 novembre 2009

Café scientifique,Est-il vrai ... Que les spermatozoïdes vont disparaître ?


Café scientifique, le LUNDI 30 NOVEMBRE 2009 à 18h30
Musée d'histoire des sciences
(dans le Parc de la Perle du lac)
Trams 13 et 15, arrêt Butini / Bus 1, arrêt Sécheron, Parking adjacent.
ENTREE LIBRE

EST-IL VRAI ... QUE LES SPERMATOZOÏDES VONT DISPARAÎTRE ?


Le doute n'est maintenant plus permis: le nombre de spermatozoïdes humains diminue de façon constante depuis quelques décennies. Cette baisse influence-t-elle notablement la fertilité humaine? La question n'est pas encore tranchée, mais inquiète de nombreux spécialistes qui s'interrogent également sur les causes.
Le mode de vie, l’environnement, les changements engendrés par une meilleure espérance de vie, tous ces motifs ont été tour à tour évoqués. Mais d'autres responsables sont de plus en plus pointés du doigt, qui agiraient non seulement chez l'humain mais également chez plusieurs espèces animales: des insecticides, fongicides et herbicides de synthèse mis sur le marché dès la fin des années 30.
Qu’en est-il vraiment ? Comment prendre des décisions lorsque les causes et les conséquences divisent autant les experts?
Avec notamment la participation de:
Mme Ariane GIACOBINO, Cheffe de clinique scientifique
Dr. Hervé LUCAS, Docteur en médecine, Biologiste et Andrologue.
Dr. Alfred SENN, Docteur en biologie, Centre de procération médicalisée (CPMA Lausanne), Responsable du programme national de recherche (PNR 50)

Animation:
Christophe MOREAU
, Epistémologue
Plus d'informations sur l'activité de Bancs publics sur notre site
Site internet http://www.bancspublics.ch

mercredi 11 novembre 2009

Encore Darwin... mais au Théatre pour changer ?

Darwin et les Cirripèdes

Le fait qu'on commémore doublement Darwin cette année ne vous a pas échappé, à moins que vous ayez passé le gros de l'année reclus sur un alpage sans électricité ni radio !
Le revoici dans une forme différente de communication qui devrait plaire à un public plus large.


Remarque sur la date de publication : Ce message a été envoyé il y a longtemps aux abonnés des Bio-Tremplins, mais retenu pour sa publication ici à cause de la montée de l'épidémie en Romandie afin de laisser au premier plan une publication sur la vaccination.

Dans le cadre du 200e anniversaire de Charles Darwin, l'Académie suisse des sciences naturelles (SCNAT) a suscité l'écriture de deux pièces de théâtre sur Darwin, qui seront jouées par des comédiens professionnels dans toute la Suisse romande et, en particulier à Genève, du 10 au 22 novembre prochain.
DARWIN EN FINIT AVEC LES CIRRIPÈDES, de Michel Beretti,,et,,LA CONFESSION DE DARWIN, de Dominique Caillat
Il s'agit de deux spectacles captivants qui révèlent au public de manière dramatique et parfois comique plusieurs aspects de la personnalité et de l'oeuvre de ce grand naturaliste.

Des discussions animées par des professeurs de l'UNIGE suivront chaque représentation.

Pour plus d'informations: http://www.darwin2009.net

Darwin en finit avec les Cirripèdes
La Confession de Darwin


En espérant vous retrouver nombreuses et nombreux à ces spectacles, avec vos familles et amis, je vous prie de croire à mes salutations les plus cordiales.

Prof. Jean-David Rochaix


La tournée en suisse romande passe par Genève, Sion, Fribourg, Neuchatel , Lausanne Programme

dimanche 8 novembre 2009

Une grippette peut-être, mais une épidémie sérieuse...

Un point de vue épidémiologique

Avec les frimas la menace de la grippe H1N1 se précise, et les médias qui parlaient de "grippette" ou ironisaient sur la faible envie de se faire vacciner, commencent à jouer la carte catastrophiste (exemple), c'est peut-être le moment de tenter de comprendre les enjeux scientifiques de l'épidémie qui semble nous atteindre. Il y a quelques temps Bio-Tremplins du 20 Juillet faisait un premier point scientifique sur la question. Et avec la professeure Claire-Anne Siegrist au CMU à Genève, qui a bien voulu répondre à une interview virtuelle nous développons ici un point de vue épidémiologique et évolutif.

Pas plus d'effets que la grippe saisonnière : pourquoi s'inquiéter ?

En effet, il semble que la grippe n'a pas des effets beaucoup plus graves que la grippe saisonnière. Alors pourquoi s'inquiéter ? Elle semble se transmettre beaucoup plus : chaque individu infecté risque d'en infecter beaucoup d'autres. Et on craint d'avoir une flambée très rapide qui pourrait toucher tant de personnes que les magasins, les transports, les services pourraient être rendus inopérants. Evidemment s'il n'y a personne pour vous vendre du pain ou du lait, ou... des médicaments, parce qu'ils sont tous malades en même temps, c'est un problème plus grave que les classiques 3 jours que vous passez au lit avec de la fièvre d'une grippe habituelle.

Une vision épidémiologique

Alors que nos sociétés occidentales privilégient une vision individuelle de la gestion du risque et de sa propre santé, l'épidémiologie prend de la hauteur et étudie la dynamique de diffusion de l'agent pathogène dans une population. Au lieu d'attendre que l'individu soit malade et de regarder comment le soigner, elle cherche à comprendre comment agir sur la diffusion pour limiter le nombre de personnes qui tomberont malades.
« Nous avons tendance à oublier à quel point nous sommes interdépendants. Nous oublions que sont les autres qui nous contaminent, et les autres que nous infectons à notre tour – sans le savoir, sans le vouloir... Et ces autres, ce n’est pas n’importe qui dont le sort nous importe peu, mais notre famille, nos amis, nos collègues, nos élèves ! C’est la mission de la santé publique que de déterminer ce qui peut être fait – et à quel moment d’une épidémie – pour protéger une collectivité et donc les individus qui la composent. » Siegrist, C.-A. (2009)

Le modèle SIR

On peut analyser numériquement une épidémie en considérant que la population est constituée d'individus Susceptibles, Infectious =infectieux, et Recovered : guéris et Résistants. Kermack, McKendrick (1927) le SIR model Fig 1 : Le modèle SIR [img] Source : Wikipedia On appelle ce modèle SIR puisqu'on y considère les individus comme faisant partie de l'un des 3 groupes et passant de Susceptibles à Infectieux pour devenir guéris et donc Résistants. Source
Fig 2 : Le modèle SIR permet d'explorer la dynamique d'une épidémie Bleu=Susceptible, Vert=Infectés, Rouge=guéris et Résistants, [img] Source : Wikipedia

L'épidémie cesse quand le nombre de de personnes susceptibles diminue.

Fig 3 : Selon les modèles de F. Carrant, fermer les écoles et les bureaux aurait un bon effet protecteur [img] Source : Tourbe, Caroline. (2009)

Des modèles bien plus sophistiqués ont été employés par Fabrice Carrat pour explorer divers scénarios (Tourbe, Caroline. (2009) Science et Vie IX09 p. 67 (extraits intranet.jpg) et mettent en évidence l'effet protecteur important de fermer les lieux où le virus se transmet beaucoup, notamment les écoles et les bureaux (Cf Fig 3).
« Le choix du moment est important. Par exemple, les écoles sont généralement fermées lorsqu’il y a une série d’élèves infectés… alors que c’est déjà trop tard pour avoir un impact sur la contamination ! L’autre facteur, c’est ce que deviennent les enfants dont les écoles sont fermées. Lorsque le Mexique a mis tout le monde à la maison pendant 5 jours, cela a suffit à interrompre la montée de l’épidémie. Mais lorsque certaines villes du Japon ont fermé les écoles et que les élèves se sont retrouvés dans des clubs de karaoké, l’effet a bien sûr été nul ! » Siegrist, C.-A. (2009)

Quelques conséquences prévisibles ...

le masque est une protection pour les autres.Ce modèle SIR, bien que simple montre cependant bien que le développement de l'épidémie dépend beaucoup de la vitesse de la transition S->I : un taux qu'on appelle β I, avec β pour le taux d'infection, qui mesure en gros la probabilité d'attraper la maladie lors d'un contact entre un individu susceptible et un sujet infectieux. Le masque de protection agit ici. Évidemment ce facteur multiplie le nombre de personnes infectées I.

En d'autres termes pour éviter la propagation il apparait très important de rechercher les moyens de diminuer β ou I. Empêcher l'infection est donc plus utile que de les guérir une fois infectés. Cette vision conduit naturellement à une vision centrée sur la prévention plus que la guérison : les mesures d'hygiène (se laver les mains, tousser dans un mouchoir propre voire le coude plutôt que les mains, etc. Par exemple sur le site Pandemie.ch : se protéger et protéger autrui, mais aussi la vaccination,

« Les mesures d’hygiène permettent de freiner la propagation du virus, en interrompant – en partie et pour un temps – la chaîne de transmission. Elles ont du sens pendant les quelques semaines de montée de l’épidémie, devenant peu utiles lorsque le virus est partout…La difficulté est que ces mesures ne sont efficaces que pendant peu de temps : on peut se désinfecter les mains et toucher quelque chose de contaminé juste après ! Les mesures d’hygiène sont donc utiles en attendant les vaccins. » Siegrist, C.-A. (2009)

Les effets épidémiologiques d'un vaccin ?

On le sait, le système immunitaire agit plus fort et surtout plus vite lors d'une 2ème infection : on n'attrape par exemple les maladies de l'enfance (oreillons, rougeole,…) qu'une fois. Le vaccin agit en stimulant le système immunitaire avec des antigènes du virus pour déclencher cette première réaction préventivement. Ce n'est donc pas le vaccin – au sens de la substance inoculée – qui agit contre le virus, comme de nombreux élèves le pensent au départ, mais le système immunitaire qui est rendu plus réactif contre cet antigène du virus. Longtemps après que la substance du vaccin soit éliminée, le processus mis en route continue de faire effet : ici le terme de vaccin se réfère à l'effet de modification durable du système immunitaire. The course of a typical antibody response
Fig 4 :Après la première infection ou le vaccin les anticorps sont déjà plus abondants et seront fabriqués avec moins de délai et en plus grande quantité [img] Source : Janeway (2001)

Or vacciner transforme un individu Susceptible directement en un individu Résistant. Ce qui diminue le nombre de personnes infectables et ralentit la progression de l'épidémie.

Par souci de concision et pour rester centré sur la compréhension scientifique nous avons finalement décidé que cette Bio-Tremplins ne traitera pas le débat sur les mouvements qui s'opposent aux vaccins pour diverses raisons.

Les vaccinés freinent l'explosion du virus.

Donc si un hypothétique M. Duschmoll tombe malade, il transmet la grippe 3-4 jours après le virus H1N1à d’autant plus de personnes que le virus est contagieux. Par exemple, M. Duschmoll contaminera 15 personnes non immunes s’il attrape la rougeole et 2-3 (R0 = disons 3) s’il attrape la grippe. Si ces personnes sont toutes vaccinées, personne d'autre ne sera contaminé et le foyer infectieux sera arrêté. Si 2 des ces 3 personnes ne sont pas vaccinées, elles peuvent tomber malade, bien sûr, mais surtout elles risquent de transmettre 3-4 jours plus tard chacune à 3 autres personnes le virus. Cela fait déjà 9 personnes contagieuses de plus... qui chacune peut contaminer 3 autres personnes ça en fait déjà ((9+3)*3)= 36 qui pourront chacune contaminer 3 autres.... etc. Ce chiffre de 3 est un peu pessimiste : Cohen, Jon. (2009), ici suggère que la grippe de 1918 avait un R0 entre 1.4 et 3. Et un "basic reproductive rate" (entre le moment de l'infection d'un individu et le moment où il commence a infecter les autres) d'environ 3 jours.

Si M Duschmoll ou d'autres s'étaient vaccinés (le vaccin coûte quelques francs) ... Il y aurait beaucoup moins de malades et peut-être quelqu'un en pharmacie pour leur vendre du Tamiflu® de l'Aspirine®, des tisanes aux herbes ou des vitamines. Et au supermarché pour lui vendre des oranges. C'est donc au début, quand il y a très peu de malades qu'il est le plus efficace d'intervenir. Mais c'est le moment où il est difficile de voir (les malades sont rares) que l'épidémie est en train de se développer. Cela explique peut-être certains scepticismes ?

Les vaccins contre la grippe sont efficaces s’ils sont fait au moins 1-2 semaines avant la contamination. Pour la grippe saisonnière, les vaccins sont donnés en octobre-novembre – sachant que l’épidémie arrive entre décembre et février. Dans le cas d’une pandémie avec un nouveau virus, il faut plusieurs mois pour la production et l’évaluation des vaccins – si bien qu’il est souvent impossible de vacciner avant l’arrivée du virus. Mais comme tout le monde n’est pas infecté en même temps (une vague épidémique dure environ 3 mois et touche 20-30% de la population), il n’est pas trop tard pour vacciner même lorsque le nombre de cas rediminue. Et comme il est déjà « programmé » que la grippe A(H1N1 reviendra en hiver 2010, ce n’est pas trop tard pour tous ceux qui sont passé entre les gouttes… » Siegrist, C.-A. (2009)

Une responsabilité sociale ?

En somme au-delà du risque individuel de tomber malade, la vaccination protège aussi les autres, et les autres vaccinés nous protègent. C'est ainsi que la rougeole est devenue extrêmement rare, jusqu'à ce qu'elle réapparaisse dans des foyers non-vaccinés ce printemps. La question de la responsabilité de vacciner avait alors été posée cf extraits de quelques journaux de février 09.

« Certains n’ont pas peur de dire que pour eux, l’idéal c’est que tous les autres soient vaccinés : cela leur permet de se protéger sans devoir faire le vaccin ! Mais lorsque trop de gens pensent comme ça, le risque d’être infecté par ses proches devient très grand ! Il ne faut pas oublier qu’une société est composée de la somme de ses individus – et que le monde est composé de la somme de ses sociétés. Le virus de rougeole « made in Switzerland » a été exporté aux 4 coins du monde, y compris dans des pays pauvres n’ayant pas les ressources médicales pour prendre en charge les cas graves… » Siegrist, C.-A. (2009)

Simuler les effets du vaccin en classe pour comprendre ?

http://tecfa.unige.ch/perso/lombardf/bist/bio-tremplins/icone-epidoscope.jpgAlessandro Conti a réalisé un logiciel Epidoscope qui permet d'explorer les effets des paramètres d'une épidémie
Une description de ce logiciel par son auteur :
Epidoscope permet de mettre sur pied de travaux pratiques mettant en jeu la stratégie expérimentale et des raisonnements hypothético-déductifs. Il offre un environnement de travail axé sur la modélisation. qu’ils abordent par l’intermédiaire de représentations graphiques. Ce logiciel permet de simuler le développement d’une épidémie dans une population. L’utilisateur peut observer l’extension de la contagion, l’existence et le déplacement d’un foyer,.... Pour chaque simulation, un graphique visualise le nombre cumulé de personnes atteintes et le nombre d’agents infectieux actifs à chaque instant, deux modes de représentation courants d’une courbe épidémique. Il peut développer une stratégie expérimentale en posant des hypothèses sur l’effet de certaines variables, en réalisant une série de simulation et en répétant au besoin la simulation (reproductibilité). L'utilisateur dispose de trois variables "population" : "densité", "couverture vaccinale" et "mobilité" et de 4 variables liés à l'agent : transmissibilité (+/- équivalent à la virulence), propagatio, probabilité d'infection défini pour deux population : a) trois niveaux de résistance "naturelle" (pour non-vacciné) et trois niveaux d'efficacité d'un vaccin (pour vaccin), période contagieuse (temps relatif d'incubation + durée de la période contagieuse) Les scénarios pédagogiques sont à construire : On peut par exemple simuler investiguer des questions du type :
  • Peut-on protéger une population avec un vaccin peu efficace ?
  • Le vaccin protège t-il d'abord un individu ou bien une population ?
  • Quel niveau de couverture vaccinale est suffisant pour un vaccin moyennement efficace contre une maladie très transmissible ?


Fig 4 :Epidoscope permet d'explorer les effets du vaccin entre autres sur le développement d'une épidémie. [img] Source : Conti, A. (2009)

Ce logiciel est accessible depuis sur tous Mac du CO Genevois disposant de la configuration pédagogique : Dans le dock -> Dossier Didacticiel-> biologie ->biologie 9-> Dossier santé->Epidoscope
On peut downloader le logiciel pour Mac OSX ici La description est ici

Si la simulation n'est jamais la réalité, elle rend possible des démarches expérimentales pratiquées par les élèves en classe dans des cas où ce serait impossible sinon. Et permet d'apprendre à mettre en perspective les simulations, d'en voir les possibilités et les limites : certainement une compétence bien utile de nos jours.

Les recombinaisons et l'évolution du virus

Le virus est constitué de huit segments d'ARN simple brin. Lorsqu'une cellule est infectée par deux virus il arrive que des segments de l'un se retrouvent encapsulés avec des segments de l'autre : on a un virus recombiné. Comme avec nos chromosomes dont les recombinaisons produisent des nouveaux phénotypes avec la meiose et la fécondation, de nouvelles souches du virus sont ainsi produites lors d'infections avec des souches différentes. On a clairement montré en analysant les séquences de ces fragments que H1N1 est les résultat de telles combinaisons Cohen, Jon. (2009). Summary
Fig 5 : la souche du virus A(H1N1) — dont le nom officiel est A/California/D4/2009 — se compose de huit segments (barres colorées) qui ont été recombinées au cours du temps avec d'autres souches de virus humains et d'autres espèces. Source Butler, Declan. (2009): How severe will the flu outbreak be? [img] Gavin Smith

Or plus on a de gens infectés, plus le risque augmente que se produise une telle recombinaison entre des souches qui auraient des capacités qui réunies augmentent la virulence ou le R0. C'est sans doute rare, mais l'évolution du virus au cours du siècle passé montre bien que quand cela s'est produit des épidémies sont apparues.
« Les nouveaux virus proviennent toujours des réservoirs animaux, d’où ils émergent après que 1, 2 ou X mutations leur permette de devenir capable d’infecter des humains, et de se transmettre d’un humain à l’autre. Pour la grippe, ces réservoirs sont les oiseaux (grippe aviaire – très grave mais peu contagieuse pour l’humain) ou les porcs (grippe porcine – très contagieuse mais peu grave pour l’humain en bonne santé). Le scénario catastrophe étant donc la recombinaison d’un virus aviaire très pathogène de type H5N1 avec un virus porcin ou humain très transmissible, comme H1N1…" Siegrist, C.-A. (2009)

Une perspective évolutive : le virus "mute "?

On dit parfois que "Le virus risque de muter pour devenir plus virulent". En fait il mute tout le temps (l'ARN simple brin est moins stable). Par exemple on observe 2% de changement du génome en 5 jours seulement chez un autre virus : celui de la polio (Alberts, B. 2002) le temps de passer de la bouche a l'intestin. "Autre exemple : les malades de la grippe traités par de l’antiviral (oseltamivir, Tamiflu®) excrètent des virus résistants après quelques jours." Siegrist, C.-A. (2009). Or comme la plupart de ces mutations sont défavorables - pour le virus - ou parfois neutres elles ne sont généralement pas détectées. Extrêmement rarement une de ces mutations est favorable – pour le virus, c'est à dire défavorable pour nous – et résulte en une souche de virus qui se multiplie plus vite, qui atteint plus de gens et dont nous prenons alors conscience. Les autres restent ignorées. La page Viralzone de UniProt montre plus de 250 souches qui ont été séquencées, juste pour la grippe A, et GenBank en recense actuellement près de 100'000 séquences du virus de la grippe. Sans parler des innombrables autres qui n'ont pas été séquencées… Nous baignons dans les mutations ! Sur la base de ces recombinaisons et mutations la sélection des virus mieux adaptés (hélas) produit l'évolution. Et notre système immunitaire réagit aussi par une forme de sélection des cellules produisant les anticorps les plus adaptés. Entre ces mutations, les recombinaisons, d'un coté et l'adaptation du système immunitaire, on a une sorte de course de vitesse évolutive. Dire que "le virus a muté" renforce l'idée fausse que les mutations seraient rares et dirigées dans un but. Une conception qui fera obstacle à une bonne compréhension de l'évolution. Si l'on veut qu'un jour les élèves comprennent l'évolution, il faut peut-être présenter sous leur vrai jour évolutif les variations et sélections qui se produisent avec les maladies...

Sources