jeudi 24 décembre 2009

Les pigeons ne sont pas si bêtes ?

Les pigeons ne sont pas balourds au décollage, ils avertissent leurs congénères !

Picture of pigeons
Fig 1 : Le bruit au décollage de ce pigeon est un signal d'alerte. [img]Source : Dabb, Geoffrey.

Torrice, Michael. (2009) rapporte dans Science Now une recherche sur bruit à l'envol des pigeons : ce bruit lourd du pigeon qui décolle bruyamment avec les ailes qui semblent se heurter n'est peut-être pas le signe de sa dégénérescence obèse au contact des humains qui le nourrissent, comme je le croyais...
Du moins chez le pigeon à crête (Ocyphaps lophotes). Hingee, M., et al. (2009) ont enregistré le son à l'envol normal de ces oiseaux et l'envol déclenché par le passage d'un prédateur. Ils ont mis en évidence qu'en cas de décollage d'urgence le bruit produit par les ailes est bien plus fort et rapide
On peut entendre les deux successivement, ici.
Lorsqu'ils ont fait entendre les enregistrements de décollage d'urgence à des autres pigeons, ils se sont envolés 11 fois sur 15, contre aucun envol avec l'enregistrement de décollage calme.
Ce mécanisme d'alerte pourrait bien exister chez de nombreux autres oiseaux, pensent-ils.

Le derrière blanc des pigeons semble les protéger lors d'attaque de faucons Source CREDIT: Rob Palmer

La tache blanche au postérieur qui sauve...

Palleroni, A. et al (2005) ici ont observé 1,485 attaques par 5 faucons pèlerins adultes sur 5,235 pigeons (Columba livia) en liberté en Californie. Parmi les pogeons attaqués les pigeons qui ont échappé à la capture étaient beaucoup plus souvent du phénotype dit sauvage : gris bleuté avec une tache dessous à l'arrière. La tache est très visibles et le plumage est cryptique : peu discernable dans le ciel.
Ils ont aussi capturé 756 pigeons et leur ont interverti les plumes de cette région entre ceux qui avaient une tache et des autres : ceux qui avaient reçu la tache blanche ont réchappé bien plus souvent à l'attaque par les faucons.

Ces données étayent fortement le rôle distracteur de cette tache bien visible : le prédateur vise cette tache et a de la peine à repérer un mouvement d'évitement déclenché avec une aile qui est moins visible.


Figure 1 :
[img] a, Séquence de l'attaque d'un faucon sur un pigeon: (en haut à gauche) descente en piqué , ressource derrière le pigeon, approche horizontale de 20−100-m; le pigeon entreprend une manœuvre d'évitement en abattant une aile, ce qui produit un tonneau rapide (flèche), et l'écarte de la trajectoire du faucon. Notez que la tache blanche ne bouge guère au début du mouvement. Encadré : distribution naturelle des six phenotypes de plumage chez ces pigeons : wild = sauvage - à tache blanche - dans la population étudiée (n=5,235).
b,
Pourcentage de pigeons "wild" (à tache blanche en bleu) and de phénotpye "blue-barred" (sans tache blanche en rouge) attaqués (gauche) et effectivement capturés (droite)par des faucons adultes et juveniles
c,
Pourcentage de phénotpyes "wild" et "blue-barred" capturés dans la population naturelle (gauche; n=203) et après transfert de plumage (droite; n=69) lors d'une expérience de terrain.
Source

Les auteurs mettent ce mécanisme d'alternance entre des éléments cryptiques et très visibles en rapport avec la coloration visible et cryptique chez certains poissons vivant en bancs et suggèrent que ce système pourrait être largement répandu et constituer un cas de convergence évolutive.

Le derrière blanc aussi chez les lapins et les chamois ?

Du coup, je me demande si cela expliquerait la tache blanche qui clignote (cachée puis révélée par la queue) lors de la fuite chez les lapins et les chamois par exemple ? (cf à droite : chamois fuyant au-dessus du lac Bleu d'Arolla Photo F.Lombard)

Sources

mercredi 16 décembre 2009

Exposition Génome – Voyage au cœur du vivant : prolongation jusqu’au 28 février 2010.

Du 13 octobre 2009 au 28 février 2010 - Ile Rousseau, Genève - Tous les jours sauf le lundi, de 10h à 19h,Renseignements: 022 379 72 27 genome@unige.ch
Fig 1 : L'exposition a connun un succès extraordinaire. [img]


"Au vu du succès populaire que connaît l'exposition Génome – Voyage au cœur du vivant (près de 66'000 visiteurs à ce jour, depuis son ouverture le 12 octobre dernier), actuellement visible sur l'Île Rousseau, à Genève, l'Université de Genève (UNIGE) a le plaisir de vous annoncer la prolongation de son ouverture jusqu'au 28 février 2010. Rappelons qu'avec cette exposition mise sur pied dans le cadre de son 450e anniversaire, l'UNIGE raconte le séquençage complet du génome humain, achevé en 2003. Cette vertigineuse entreprise de déchiffrement représente une rupture dans l'histoire de la science, dont Génome montre l'impact sur nos connaissances biologiques."

Sylvie Délèze


Fig 2: Chaque jour un gène est mis en évidence [accès web ici] [img]
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Fig 3 : D'où vient notre génome?
A quoi sert-il?
Notre génome est séquencé et après?

Des visites spéciales seront organisées pour des classes de Collège, en présence de généticien-ne-s. Ces visites permettront aux jeunes de découvrir ou redécouvrir les bases de la génétique au travers d'éléments phares de l'exposition tels qu'une sculpture interactive d'ADN de 6 mètres de haut, un journal lumineux lisant l'intégralité du génome humain, une projection à 360° illustrant l'intérieur du noyau et des postes thématiques illustrant les fondements de la génétique. Puis les élèves passeront à une phase expérimentale en réalisant une enquête intitulée "Sur les traces du loup".

Pré-requis: connaissance de l'organisation générale du génome (ADN, chromosomes, gènes) et de la composition de l'ADN (ATGC)

Info pratiques: les lundis et mardis, du 26 octobre au 15 décembre, durée 90 min entre 8h30 et 12h00. Si vous souhaitez vous inscrire ! très peu de places restent.
Merci de nous et de nous laisser un numéro de téléphone.


450e ANNIVERSAIRE DE L'UNIVERSITE DE GENEVE
Ile Rousseau / Du 13 octobre 2009 au 28 février 2010
http://unige.ch/genome


jeudi 10 décembre 2009

EST-IL VRAI QUE … L’HOMME DESCEND DU SINGE ?

Café scientifique, le LUNDI 14 DECEMBRE 2009 à 18h30
Musée d'histoire des sciences
(dans le Parc de la Perle du lac)
Trams 13 et 15, arrêt Butini / Bus 1, arrêt Sécheron, Parking adjacent.
ENTREE LIBRE

EST-IL VRAI QUE … L'HOMME DESCEND DU SINGE ?

En cette fin d'année anniversaire de la naissance de Darwin, que reste-il de ce célèbre énoncé attribué à tort au père de la théorie de l'évolution : « L'homme descend du singe ! » ?

On nous dit aujourd'hui que ses singes sont nos frères, nos cousins, nos parents. Les métaphores familiales sont inépuisables pour qualifier ce lien dont on a semble-t-il toujours autant de mal à trouver l'origine. Les prénoms exotiques : Abel, Toumaï, Orrorin, Ardi, ne manquent pourtant pas, mais aucun ne semble emporter le titre d'ancêtre commun.

Les avancées de l anthropologie, de l'archéologie, de la génétique ou de l'éthologie, éclairent-elle d'un jour nouveau notre légitime envie de nous inscrire dans une histoire commune ?

Venez en discuter avec des spécialistes des domaines concernés

Avec la participation de :

- Redouan BSHARY, Professeur, Responsable du département d?éco-éthologie, Université de Neuchâtel.

- Béatrice PELLEGRINI, Chargée de recherche au Muséum d?histoire naturelle de Genève. Chargée de cours, Université de Genève.

- Estella POLONI, Chargée de cours, Département d'anthropologie et d'écologie, Université de Genève.

Animation :

- Gilles HERNOT, collaborateur scientifique, Musée d?histoire des sciences de Genève.

 

dimanche 6 décembre 2009

Ardipithecus ramidus : non...l'homme ne descend pas du "singe" !

Une vaste série de fossiles éclairent notre passé vers 4-5 mio.

L'analyse des fossiles – dont un très complet – d'une nouvelle espèce d'hominidé Ardipithecus ramidus plus ancienne (4.4 mio) qu'Australopithecus, mais clairement séparée du lignage du chimpanzé révèle des caractéristiques très particulières de la main, du pied, du crane qui éclairent cette phase de notre passé. Depuis la découverte d'Australopithèque, et notamment de Lucy (3.2 mio) on n'avait pas trouvé une série aussi complète de fossiles, et ils bousculent pas mal ce qui s'enseigne...

Picture of Ardi
Fig 1 : Une reconstitution d'artiste de ce que pouvait être Ardipithecus ramidus. Diaporama complet. [img]Credit: © 2009, J. H. Matternes

Bien que de la taille d'un chimpanzé (1m20), il ne se balançait guère de branche en branche et ne marchait pas sur ses doigts repliés (knuckling): il s'avançait droit avec un bassin large avec un pied ferme muni cependant d'un orteil opposable qui lui permettait aussi de grimper.

Le "singe" ne peut vraiment plus être notre ancêtre !


Fig 2 : Un exemple de graphique qui renforce la conception que plus un fossile est ancien plus il ressemblerait au chimpanzé. (D'après une source retenue par égard pour eux. Les flèches, le crane en bas à droite et le cartouche d'en bas sont modifiés depuis l'image d'origine).

En somme il remet en question bien des images qui présentent une série de crânes ou d'autres fossiles avec le chimpanzé à gauche et l'homme à droite en passant par Australopithèque, H. habilis, H. erectus, Neanderthal, et Cro-Magnon par exemple. Celui de la Fig. 2 met en relation la capacité crânienne et l'âge : il affiche même des millions d'années en bas, avec le chimpanzé associé implicitement à -10 millions d'années comme s'il était notre ancêtre de cette époque. Ce type de graphique sous-entend que le chimpanzé serait plus ancien que notre espèce, et qu'il serait en somme resté dans une forme primitive, alors que nos ancêtres ont évolué. Une conception qui est très fréquente chez la plupart de nos concitoyens. Donc plus un fossile est ancien plus il ressemblerait au chimpanzé. Les Australopithèques ne mettaient pas tellement en défaut cette conception. L'auteur de cette figure a sans doute voulu simplifier un sujet complexe... mais renforce une conception finaliste qui situe l'homme comme aboutissement de l'évolution et les autres espèces à des étapes intermédiaire, incomplètes, inabouties...

Une conception fréquente qui fait obstacle à la compréhension de l'évolution ?

Les conceptions des élèves sont souvent un obstacle à leur compréhension de la science, et particulièremetn de l'évolution: elles sont tenaces, parce qu'elles ont pouvoir explicatif suffisant dans la vie quotidienne. Croire que l'homme descend "du singe" est pleinement satisfaisant pour comprendre les journaux (Exemple : Tribune de Genève, Article sur Darwin 6 Février 09 cf à droite intranet.jpg) Ces conceptions obstacle ont été étudiées par Bachelard, G. (1947) et ont été (en partie seulement) répertoriées : on en trouve de nombreuses dans la base de données de Camacho (2004) Previous Ideas Database . On peut y découvrir par exemple la référence à Dagher, Z. R., & BouJaoude, S. (1997) qui montre que parmi ses étudiants de fin du secondaire, l'idée que l'homme descende "du singe" est plutôt fréquente ( la 8ème par ordre de fréquence décroissante). Les auteurs y discutent comment le dépassement de ces conceptions ne peut pas se faire en ignorant tout ce qui est en dehors de l'approche scientifique, sans une confrontation avec les autres idées sur l'évolution. Mais revenons a cet ancêtre étrange.

La publication des fruits nombreuses années de recherches

Le premier Ar. ramidaus avait été trouvée en 1994 à Aramis en Ethiopie. Avec 35 autres individus de la même espèce et de nombreux autres fossiles permettant de reconstituer le paysage, le climat et l'habitat, ce riche ensemble de fossiles donne une image très précise de la vie de ces anciens hominidés, plus anciens que Lucy d'un bon million d'années. Ayant préparé une belle synthèse, les auteurs ont voulu faire un point sur l'état des leurs découvertes et leurs analyses font l'objet d'une série de 11 publications dans Science : Video: The Analysis of Ardipithecus ramidus--One of the Earliest Known Hominids
Fig 3 : la vidéo montre bien comment Ardipithecus est plus ancien que le chimpanzé et plus proche de nous. CLCA = dernier ancêtre commun avec le Chimpanzé

On y trouve entre autres une vidéo (en anglais) par les chercheurs Tim White et Anrew Hill The Analysis of Ardipithecus ramidus--One of the Earliest Known Hominids Parmi d'autres restes ils ont retrouvé un fossile exceptionnellement complet avec le bassin, les mains et les doigts, ce qui est très rare. Ardi' comme ils l'appellent familièrement, est une femelle et elle n'est clairement pas sur le lignage qui mène au chimpanzé : elle n'a notamment pas la canine impressionnante et d'autres caractéristiques. Tout cela remet bien en question l'idée que nos ancêtres aient passé par un stade troglodytien (Science, 21 November 1969, p. 953) – semblable au chimpanzé. Il est regrettable que les fossiles de chimpanzé soient rares (probablement parce que peu recherchés mais surtout à cause du mode de vie forestiers, un milieu peu favorable à la fossilisation).
Fig.4 Le squelette d'Ardipithecus ramidus reconstitué [img] Cliquer pour le diaporama Source : Science magazine

La main et le pied d'Ardi' sont très différents des autres primates : le pied adapté pour marcher, son bassin large suggèrent une démarche bipède assez redressée sans appui sur le dos des doigts comme le chimpanze. Mais avec un gros orteil opposable il pouvait grimper dans les arbres facilement.

Ancient tale. Experts discuss the find and its importance (10 min).
Fig.5 La main d'Ardipithecus est fine et préhensile. Peu adaptée a la marche en appui sur la main (knuclling) [img] Cliquer pour le
diaporama Source : Science magazine


Fig.6 Le crâne d'Ardipithecus.De petite capacité [img] Cliquer pour le
diaporama Source : Science magazine


Fig.7 Le bassin d'Ardipithecus (image de synthèse) large et court, il es nettement adapté a la marche dressée. [img] Cliquer pour le diaporama Source : Science magazine



Fig.8 La dentition d'Ardipithecus au milieu entre celle de l'humain et du chimpanzé actuels. [img] Cliquer pour le
diaporama Source : Science magazine

L'analyse des pollens et d'autres traces révèle qu'Ardipithecus vivait dans une savane arborée comme celle de la forêt de Kibwezi au Kenya actuel.

Past and present. Ardipithecus's woodland was more like Kenya's Kibwezi Forest (left) than Aramis today.,,CREDITS (LEFT TO RIGHT): TIM WHITE; ANN GIBBONS
Fig.9 Ardipithecus vivait dans une savane arborée comme celle de la forêt de Kibwezi au Kenya (gauche), mais la région est actuellement très sèche.CREDITS (LEFT TO RIGHT): TIM WHITE; ANN GIBBONS

Alors... l'arbre de nos origines ?

Il est tentant, mais plus risqué de présenter un arbre phylogénétique : les branches en affirment très clairement que telle espèce a donné naissance à telle autre : sa force de persuasion visuelle est très grande... Mais c'est aussi trompeur, car faute d'une machine à remonter le temps, un arbre est une interprétation des données disponibles et repose forcément sur des hypothèses. Au fur et à mesure que de nouvelles données viennent s'ajouter aux anciennes il risque d'être bousculé. Ce que ne manqueront pas de railler les créationistes. Ainsi présenter comme des faits ce qui est une interprétation actuelle risque de donner l'impression que la science est bien peu fiable, chaque fois que des nouveaux fossiles permettent une ré-interprétation des liens phylogénétiques. Pourtant les fossiles ne changent pas, leur regroupement assez peu et leurs dates guère non plus; aussi présenter ces données-là communique probablement mieux la progression des connaissances. Une synthèse chronologique est présentée par Science ici Filling a gap. Ardipithecus provides a link between earlier and later hominins, as seen in this timeline showing important hominin fossils and taxa.,,CREDITS: (TIMELINE LEFT TO RIGHT) L. PÉRON/WIKIPEDIA, B. G. RICHMOND ET AL., SCIENCE 319, 1662 (2008); © T. WHITE 2008; WIKIPEDIA; TIM WHITE; TIM WHITE

Dans une formation continue récente (15 I 09) Prof Alicia Sanchez-Mazas de l'universtié de Genève comparait les données chronologiques d'autrefois (fig.9) et une synthèse récente : on voit que certains groupes ont été subdivisés ou fusionnés autrement, mais surtout qu'on dispose de fossiles bien plus anciens : l'accroissement de données et la stabilité des groupes bien étudiés est manifeste.

Fig.10 une chronologie datant de plusieurs années [img] et une chronologie actuelle [img] La comparaison montre bien l'accroissement des données et la stabilité de certains groupes bien établis. Source : Galliot B, Formation Continue , 15. I 09 Genève

La science : donner l'interprétation ou interpréter les données ?

De manière générale, montrer des illustrations proches des données et faire leur interprétation soi-même est probablement plus faire de la science que d'en montrer les conclusions toutes cuites... Montrer comment les connaissances évoluent aide a comprendre que si la science tâtonne et hésite, elle avance quand même à la longue. Tout commentaire est bienvenu.

Sources

Une version complète de la news de Science et les articles d'origine sont disponibles disponibles gratuitement. Pour participer à une discussion dans Facebook avec Ann Gibbons, allez voir la page Facebook de ScienceNOW.