lundi 23 janvier 2012

Concours FameLab - 3 minutes pour convaincre en science




FameLab

Le samedi 4 février 2012
Au Globe de la science et de l’innovation au CERN

Participez au concours FameLab et devenez une voix de la science en Suisse
Vous avez entre 18 et 35 ans? Vous travaillez dans un domaine scientifique, vous faites des études scientifiques ou vous êtes professeur de science? Vous exercez ou étudiez en Suisse? Vous vous passionnez pour votre travail et vous voulez faire connaître au grand public la science du XXIe siècle? Ce concours est pour vous !
FameLab est un concours international de communication scientifique destiné aux jeunes chercheurs et enseignants de science. Son but est de trouver  à travers le monde. Le CERN a été choisi pour accueillir les demi-finales régionales pour la Suisse. Tout ce que vous aurez à faire, c’est préparer une conférence de 3 minutes qui soit à la fois exacte scientifiquement et intéressante pour un public non scientifique. À vous de convaincre le jury et votre public le samedi 4 février 2012 au Globe de la science et de l’innovation !
Inscrivez vous sur http://www.famelab.ch/


Comment se déroule le concours?
  • Tu as droit à un maximum de 3 minutes pour impressionner les membres du jury. Ce qu’ils cherchent avant tout sont des exposés passionnants et accrocheurs, accessibles à un public amateur. Un minimum d’accessoires est autorisé mais on ne t’accordera pas de temps ni d’aide technique pour la mise en place. Les présentations powerpoint sont interdites.
  • Si un trop grand nombre de candidates et candidats s’annoncent pour les concours préliminaires régionaux, ceux-ci pourront être subdivisés en un premier tour le matin ou l’après-midi et une finale régionale dans la soirée. Pour cette raison, tous les participants doivent avoir préparé deux exposés de 3 minutes chacun. Les deux exposés peuvent traiter le même sujet de façon différente mais ne doivent pas être identiques.
Dans le cadre des concours préliminaires régionaux, les participants sont libres de présenter leur exposé en allemand ou en anglais à Zurich, ou en français ou en anglais à Genève. Lors de la finale nationale à Zurich, toutefois, l’anglais est de rigueur.
  • Il y aura un public composé d’inconnus présent dans la salle.
  • Les membres du jury poseront des questions aux participants après leur exposé et leur donneront là où cela est possible un feedback. Les jurés évalueront les exposés sur la base des 3 “C”: contenu, clarté, charisme du participant/de la participante.
  • Dix finalistes des concours régionaux au maximum seront sélectionnés pour participer au cours intensif de communication scientifique et à la finale suisse le 30 mars à Zurich.
  • Les participants de la finale nationale devront présenter un exposé de 3 minutes différent des deux précédents.
  • Le public présent lors de la finale participera au processus de sélection. Les exposés seront jugés par 3 -4 membres du jury.
     
Qui a le droit de participer?
Pour participer au concours FameLab, tu dois avoir entre 18 et 35 ans et soit étudier, soit travailler dans le domaine des sciences, de l’ingénierie, de la médecine et de la psychologie en Suisse. Ceci inclut les collaborateurs du secteur public et privé, les enseignants, les techniciens et toute autre personne travaillant dans le domaine des sciences, de l’ingénierie, de la médecine et de la psychologie (c.-à-d. la biologie, la biotechnologie, la chimie, l’informatique, l’ingénierie, les mathématiques, la médecine, la pharmacie, la physique, la psychologie, la robotique, l’astronomie, etc.). L’objectif principal du concours est de fournir aux chercheuses et chercheurs de nouvelles occasions de développer leurs facultés de communication. Pour cette raison, les communicateurs professionnels tels que les journalistes, les reporters radio et TV, les spécialistes en relations publiques et les artistes dont les spectacles ont un contenu scientifique, sont exclus du concours.

lundi 2 janvier 2012

Haeckel et Von Baer,... peut-être quand-même ?

A tous Bio-Tremplins souhaite une année 2012
 

«Sa grande qualité était l'aptitude à goûter l'étrangeté qui marque l'esprit des véritables chercheurs." Morris, D. (1980)

L'expression comparée des gènes relance le débat sur le "stade phylotypique" par lequel passeraient un grand nombre d'embryons.

Le fait que de nombreux embryons passent par une période de similarité  maximale pour diverger ensuite, comme un sablier, est un modèle développé sur la base d'observations au 19ème, largement diffusé dans les écoles - sans doute grâce à la force de conviction des planches de Haeckel, ce dernier a été très contesté récemment et probablement un peu délaissé. Des recherches récentes comparant l'âge des gènes exprimés au cours de l’embryogenèse ont redonné une dynamique nouvelle à ce modèle : les gènes exprimés sont plus anciens et plus similaires entre les espèces au milieu du développement suggérant un goulet d'étranglement où une orchestration bien précise de l’expression des gènes permet l'assemblage des structures de l’embryon en un tout cohérent :  toute modification risquerait d'être très défavorable à ce moment critique. De nouvelles données conduisent naturellement à des conclusions révisées. La vérité n'est jamais définitive en science..

Du "stade phylotypique" vers un modèle "en sablier"?

Plutôt que  le "stade phylotypique" : une période de similarité  maximale des embryons d'un phylum – Les vertébrés dans l'exemple de Haeckel – on a parlé de modèle "en sablier" du développement ( "hourglass model" )

Fig 1 : Une version des planches de Haeckel 1879 illustre la "première" de Nature.  [ img ]Source :  Pavel Tomancak.

Aussi de nouvelles données pour faire relancer le débat sont bienvenues.   

De nouvelles données éclairent d'un nouveau jour une ancienne conclusion délaissée ?

Deux recherches récentes en génomique comparée suggèrent que le modèle en sablier n'est peut-être pas si has been après tout. Elles approchent la question avec des techniques différentes, mais lui redonnent du poids.
En comparant l'âge des gènes exprimés Prud’homme, B., & Gompel, N. (2010) ont retrouvé cet image  du sablier :  les gènes exprimés sont plus anciens et plus similaires entre les espèces au milieu du développement, évoquant à nouveau le "stade phylotypique" : une période de similarité  maximale des embryons d'un phylum ; les vertébrés dans l'exemple de Haeckel. 
On pense que cela reflèterait des contraintes fortes de l'évolution des plans d'organisation. Brian K, H. (1997) résumait le débat avant la génomique. 

illustration du modèle en sablier
Fig 2 : Le modèle en sablier est renforcé par des études récentes :  la divergence moyenne à gauche (Kalinka et al 2010))et l'âge moyen des gènes exprimés à droite Domazet-Loso, T., & Tautz, D. (2010).  [ img ]Source : Pavel Tomancak in Prud’homme, B., & Gompel, N. (2010)

Le modèle en sablier est très visible dans cette figure 2 : il y a un goulet où les gènes exprimés sont plus similaires entre espèces et où des gènes plus anciens sont exprimés.

Comment un gène peut-il être "ancien"  ou "divergent" ?

Pour comprendre la figure 4 il faut un peu étudier comment ces données ont été produites. Qu'est-ce que "l'âge relatif des gènes exprimés" à droite de la figure 2 ? 
Domazet-Loso, T., & Tautz, D. (2010) ont étudié par une méthode qu'ils ont développée – la phylostratigraphie – l'ancienneté de gènes exprimés. Ils avaient daté l'apparition des gènes : certains gènes datent des premières cellules, d'autres de l'évolution des animaux, et d'autres qui sont propres aux vertébrés. Un gène peut donc être situé chronologiquement dans un "phylostrate". Forts de cette échelle, ils ont pu établir l'âge moyen des gènes exprimés chez Danio rerio à différents stades qu'on voit sur la figure 4 à droite où ont aussi été reportées des images d'embryons de poulet et de souris. Comment l'expression des gènes peut-elle être plus ou moins "divergente" entre espèces ? Pour le graphique à gauche de la figure 2 Kalinka, A. T., et al. (2010) ont comparé des espèces de Drosophila dont on a le génome complet ( D. melanogaster, D. simulans, D. ananassae, D. persimilis, D. pseudoobscura et D. virilis ), et qui sont séparées par 40 million d'années. Les auteurs ont mesuré le niveau d'expression (ARN) de 3019 gènes connus pour être exprimés dans l’embryogenèse avec des microarray à des intervalles de 2h et ont pu établir à chaque moment du développement si les gènes exprimés étaient presque tous les mêmes : faible divergence de l'expression, ou si des gènes très différents étaient exprimés : forte divergence.

Mais alors pourquoi ce goulet  ?

On pense que cela reflèterait des contraintes fortes de l'évolution des plans d'organisation.  L'idée que l'embryologie implique des contraintes sur l'évolution n'est pas facile à comprendre et encore moins à faire passer auprès des élèves. Denis Duboule de l'UniGe avait (Duboule D.1994) discuté comment les contraintes de coordination précise entre les gènes limitent les possibilités de changements à certains moments-clé du développement, fournissant une explication pour ce goulet d'étranglement. D'autres ont plutôt mis en évidence la complexité des interactions entre les gènes et les processus de développement. Brian K, H. (1997) résumait le débat avant la génomique.
Prud’homme, B., & Gompel, N. (2010) proposent un petit résumé de l'état actuel des savoirs sur ce point : les rudiments anatomiques qui s'assemblent pour former un plan corporel peuvent avoir des origines évolutives différentes, mais nécessitent une orchestration bien précise de l’expression des gènes pour être assemblés en un tout cohérent, ce qui contraindrait une phase critique où toute modification risque d'être très défavorable. Une fois cet assemblage évolutivement stable achevé, la divergence redevient possible.

"A body plan is a particular organization of anatomical rudiments. The early embryonic specification of these rudiments, independently of one another, might take different evolution- ary roads. But the assembly of these elements into a functional body plan might require a tight and constrained orchestration of gene expression, reflected in the hourglass waist. Once coherently assembled, the connected elements make a stable evolutionary substrate for an organism to explore new morphogenetic directions within the realm of the established body plan." Prud’homme, B., & Gompel, N. (2010)

La simplification pour enseigner conduit à disqualifier un modèle  ?

On avait observé que l'apparence de nombreux embryons converge vers le milieu du développement et diverge ensuite (Prud’homme, B., & Gompel, N., 2010). Ce modèle remonte aux observations de Von Baer dont une loi énonce que l’ontogenèse récapitulerait la phylogenèse. Il avait observé au milieu du développement un stade de grande similarité de tous les embryons d'un phylum, les vertébrés par exemple, que plus tard on a appelé un "stade phylotypique".
Cette similitude dans le cas des vertébrés a été vulgarisé par les fameuses planches de Ernest Haeckel 1874. La "vérité" de ces planches dans le contexte éducatif a été discutée dans une Bio-Tremplins (Haeckel trop simplifié ? novembre 2008).
C'est un cas de transposition didactique assez typique : on a perdu le contexte dans lequel ces dessins avaient été élaborés, et on s'est cristallisé sur une représentations visuellement très frappante, dont l'impact sert de justification à une conclusion qui a perdu ses données et son étayage pour devenir trop souvent une affirmation définitive.

Haeckel attaqué : comme si un modèle pouvait être "vrai" !

Ce modèle – plutôt les planches de Haeckel – a été attaqué par les créationnistes (cf discussion ici ), car les images dessinées étaient assez différentes des observations et bien modifiées (trop?) pour mettre en évidence les similitudes. Dans une vision des savoirs où les choses sont vraies ou fausses ils l'ont accusé de fraude.
C'est oublier que la science produit des modèles et non pas de la vérité définitive, et que les modèles scientifiques sont hypothétiques, modifiables et de portée limitée (Martinand, J. L. 1996).
Et qu'un schéma destiné à l'enseignement comme celui de Haeckel sélectionne les caractéristiques importantes et ignore d'autres pour mieux mettre en évidence ce qu'on cherche à illustrer. Ce choix se fait forcément en référence à un modèle. Il semble que certains l'oublient pour avoir confondu le modèle et la vérité.
La question de savoir si Haeckel a trop modifié ou non les observations est intéressante - pour un historien. Pour un enseignant la question n'est pas tellement si cette illustration de ce modèle est vrai  puisqu'il n'y a pas à attendre de vérité d'un modèle mais au mieux une puissance explicative, de description ou de prédiction. La question est plutôt de savoir dans quel contexte et dans quelles activités par les élèves un tel modèle peut les aider à comprendre l'embryologie, l'évolution ou la diversité biologique – qui sont forcément plus complexe que tous les schémas et modèles qu'on pourrait leur montrer.  Par exemple, comparer les observations au microscope d'un embryon, les photos de la figure 4 et ces fameuses planches pour discuter de l'évolution exploite bien la force explicative du modèles tout en le mettant en perspective...

Fig 3 : Une planche de Haeckel en 1874 [img] ( source Gilbert et al 2000)

Cependant ces attaques semblent avoir eu pour effet que certains ouvrages récents de biologie utilisent des images photographiques – moins attaquables pour ceux qui croient que les photos ne sont pas une interprétation. Probablement moins faciles à comprendre et à interpréter par des élèves qui n'ont pas le regard du biologiste expérimenté. Certains ouvrages ont choisi des photos plutôt que des schémas Comme par exemple le Campbell, 2004 (intranet)
Ainsi, il semble aussi qu'avec ces attaques sur les planches de Haeckel  et le stade phylotypique, le modèle du sablier soit un peu tombé en disgrâce dans l'éducation.  Et cette convergence anatomique que Von Baer a observée – très visible pourtant – parait un peu ignorée par prudence : peut-être le politically correct plutôt que le solide débat des idées ?

Mais l'image en sablier de la figure 2 est aussi une interprétation. Si elle est plus authentique, plus près des résultats bruts que ce qui est habituellement présenté en classe, elle n'en est pas moins construite – en référence à un modèle – pour communiquer, elle n'est ni vraie ni fausse, elle doit être mise en perspective pour être comprise : le fait qu'on ait reporté des images d'embryons de poulet et de souris en regard de ceux du poisson étudié a du sens dans le cadre du modèle en sablier. Ce modèle est hypothétique, discutable, il a du sens dans un contexte donné.
Cette image prise seule et sans commentaire pourrait être considérée par les opposants à ce modèle comme tendancieuse voire mensongère. Mais c'est de l'isoler de son contexte qui lui fait perdre son épaisseur scientifique et l'offre en pâture aux esprits binaires qui la veulent vraie ou fausse.

Quand des études différentes se recoupent, le modèle est renforcé.

Si l’ontogenèse ne résume pas la phylogenèse, elles sont tout de même liées de manière complexe qu'on comprend un petit peu plus avec ces recherches.

Encore une fois c'est l'analyse numérique de données de séquences dans cette biologie de l'information qui modifie un peu tous les chapitres de notre discipline.
De nouvelles données conduisent à de nouvelles interprétations et des conclusions qui changent. Ces deux recherches renforcent le modèle en sablier, cela ne constitue pas une certitude absolue, mais un degré de validité bien accru.
Jusqu'à de nouveaux résultats et critiques de ces publications. Le débat de la science se fait, elle trébuche et recule, elle est biaisée par les humains qui la font, mais grâce à ce débat, elle reste une puissante manière de construire les savoirs.

"Sous prétexte que l'entreprise scientifique a parfois mis le cap sur le pire, défend que nous devrions au contraire la freiner ou l'abandonner, voire marginaliser les connaissances que nous lui devons - comme s'il suffisait d'en savoir moins pour mieux se comporter! Comme si les erreurs commises au nom de la science, ou grâce à elle, rendaient l'ignorance valeureuse! "
  Klein, E. 2008 p. 14

Sources

  • Campbell, N. A., &Reece, J. B. (2004). Biologie: De Boeck.
  • Brian K, H. (1997). Phylotypic stage or phantom: is there a highly conserved embryonic stage in vertebrates? Trends in Ecology & Evolution, 12(12), 461-463. intranet.pdf
  • Domazet-Loso, T., & Tautz, D. (2010). A phylogenetically based transcriptome age index mirrors ontogenetic divergence patterns. Nature, 468(7325), 815-818. doi:10.1038/nature09632
  • Duboule, D. (1994) Temporal colinearity and the phylotypic progression: a basis for the stability of a vertebrate Bauplan and the evolution of morphologies through heterochrony. Dev. Suppl. 135–142 .
  • Gilbert, Scott F. Developmental Biology Sunderland (MA): Sinauer Associates, Inc.; c2000
  • Kalinka, A. T., Varga, K. M., Gerrard, D. T., Preibisch, S., Corcoran, D. L., Jarrells, J., Ohler, U., et al. (2010). Gene expression divergence recapitulates the developmental hourglass model. Nature, 468(7325),
  • Klein, E. (2008). Galilée et les Indiens,  Allons-nous liquider la science ? Paris: Flammarion.
  • Martinand, J. L. (1996). Introduction à la modélisation. Paper presented at the Actes du séminaire de didactique des disciplines technologiques.
  • MORRIS, Desmond, 1980, La fête Zoologique, Calmann-Lévy
    811-814. doi: 10.1038/nature09634
  • Prud’homme, B., &Gompel, N. (2010). Evolutionary biology: Genomic hourglass. Nature, 468(7325), 768-769. doi: 10.1038/468768a